C'est la journée des dupes
Auteur : Guillaume Bautru , en 1630
Explication
Richelieu, principal ministre de Louis XIII depuis 1624, a restauré l’autorité du souverain, bataillant contre les protestants à La Rochelle ou pourchassant les velléités d’indépendance des Grands. Mais s’il a la confiance du fils, il subit la haine de la mère, car l’ancienne régente Marie de Médicis veut la paix entre la France et l’Espagne catholiques, dont les armées s’affrontent sur le champ de bataille italien. Il faut congédier ce cardinal si peu dévot.
Le 11 novembre 1630 au matin, au palais du Luxembourg, elle assomme son fils de reproches lors d’une entrevue orageuse. Richelieu fait une entrée surprise par un escalier dérobé : Marie explose, traite le cardinal de fourbe, de traître, de valet. Puis elle le congédie par ces mots : « C’est fini. » Richelieu s’agenouille et pleure. Mais le roi garde le silence ; le Premier ministre doit s’éclipser.
Dans l’après-midi, Louis XIII se réfugie en son hôtel de Tournon. Très ému, il se jette sur son lit. Pendant ce temps, le parti dévot distribue les ministères. À Versailles, en soirée, le roi révoque en plein conseil le garde des Sceaux Marillac, chef du complot. Il confirme Richelieu et prévient sa mère de se tenir à l’écart. Le conseiller d’État Bautru s’écrie le lendemain : « C’est la journée des dupes ! » La phrase fait aussitôt le tour de Paris. Marie de Médicis regrettera amèrement l’entrée inopinée du cardinal lors de son entrevue avec son fils : « Si je n’avais pas négligé de fermer un verrou, le cardinal était perdu. »
Ce jour est une éclatante manifestation de l’esprit baroque appliqué à la politique : larmes et cris, exaltation des volontés personnelles, coups de théâtre. Mais au-delà de cet apparent désordre, on devine une force cachée qui donne sa cohésion à l’ensemble. En fait, le roi mène le jeu. La journée des dupes contient en germe l’absolutisme royal.