Charles de Gaulle
Introduction:
Nommé le 6juin 1940 sous-secrétaire d’État à la Défense nationale, le général Charles de Gaulle (1890-1970) ne peut que constater l’avancée allemande, notamment grâce à l’utilisation combinée des chars d’assaut et de l’aviation. Pétain et Weygand doutent rapidement des possibilités d’enrayer cette avance, comme d’arriver à trouver une ligne de repli satisfaisante, et ils évoquent clairement la demande d’armistice.
De Gaulle, qui a rencontré plusieurs fois Churchill, a confiance dans la volonté du Premier ministre anglais de continuer la guerre quoi qu’il arrive. Il propose donc, d’abord, le repli sur l’empire colonial, puis adhère à l’idée de Jean Monnet d’une « Union franco-britannique », une sorte de fusion institutionnelle qui aurait permis de transférer hors du territoire national — et alors en Angleterre — le siège d’un gouvernement qui n’aurait même pas été en exil. Mais le 16 juin, le président Lebrun appelle Philippe Pétain au gouvernement et, le lendemain, de Gaulle s’envole pour l’Angleterre pour rencontrer Churchill.
Charles de Gaulle ne représente rien alors : la transition institutionnelle des gouvernements Reynaud et Pétain est constitutionnelle, Pétain reste environné de la gloire de la Première Guerre mondiale et de sa réputation de maréchal républicain, quand de Gaulle a quitté son poste et son pays. Ce n’est d’ailleurs qu’après la diffusion du discours du Maréchal annonçant la demande d’armistice du gouvernement français que l’on permet à de Gaulle de lancer son célèbre appel — plus connu qu’entendu — au micro de la BBC.
L’appel remet en cause les raisons de la défaite : pour Pétain (cf. supra,), c’est le surnombre des troupes allemandes ; pour de Gaulle, c’est une erreur de tactique militaire. Il se venge ainsi de l’incompréhension dont on a fait preuve à l’égard de ses thèses. Il évoque ensuite les ressources de l’empire colonial, de la Grande-Bretagne et même des États-Unis, dont l’« immense industrie » pourrait donner aux Alliés la « force mécanique supérieure » qui leur a manqué. Il invite enfin les Français qui se trouvent « en territoire britannique » à le rejoindre, et emploie le terme de « résistance française ».
Discours de Charles de Gaulle:
Appel de 18 juin:
Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises, ont formé un gouvernement. Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s’est mis en rapport avec l’ennemi pour cesser le combat.
Certes, nous avons été, nous sommes, submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne, de l’ennemi.
Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd’hui.
Mais le dernier mot est-il dit ? L’espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non !
Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n’est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire.
Car la France n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle a un vaste empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l’Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle peut, comme l’Angleterre, utiliser sans limites l’immense industrie des États-Unis.
Cette guerre n’est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. Cette guerre n’est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances, n’empêchent pas qu’il y a, dans l’univers, tous les moyens nécessaires pour écraser un jour nos ennemis. Foudroyés aujourd’hui par la force mécanique, nous pourrons vaincre dans l’avenir par une force mécanique supérieure. Le destin du monde est là.
Moi, général de Gaulle, actuellement à Londres, j’invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, j’invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d’armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, à se mettre en rapport avec moi.
Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas.
Demain, comme aujourd’hui, je parlerai à la Radio de Londres.
Plus entendu que l’Appel du 18 juin, avec lequel il a souvent été confondu, le second appel lancé à la radio de Londres par le général de Gaulle, le 22 juin 1940, complète et enrichit le premier. De Gaulle, au-delà des erreurs tactiques qui ont pu conduire à la défaite, insiste cette fois sur un déséquilibre numérique auquel il lui semble que l’on pourra toujours remédier.
Surtout, ce discours dans sa forme, avec ce triple balancement autour de l’honneur, du bon sens et de l’intérêt supérieur de la patrie, avec ces redites qui sont autant de respirations, est presque plus gaullien que celui du 18 juin.
Le 28 juin, de Gaulle sera reconnu officiellement comme le chef de ces « Français Libres » qu’il appelle à le rejoindre.
Appel de 18 juin:
Le gouvernement français, après avoir demandé l’armistice, connaît maintenant les conditions dictées par l’ennemi.
Il résulte de ces conditions que les forces françaises de terre, de mer et de l’air seraient entièrement démobilisées, que nos armes seraient livrées, que le territoire français serait totalement occupé et que le gouvernement français tomberait sous la dépendance de l’Allemagne et de l’Italie.
On peut donc dire que cet armistice serait, non seulement une capitulation, mais encore un asservissement.
Or beaucoup de Français n’acceptent pas la capitulation ni la servitude, pour des raisons qui s’appellent l’honneur, le bon sens, l’intérêt supérieur de la patrie.
Je dis l’honneur ! car la France s’est engagée à ne déposer les armes que d’accord avec les Alliés. Tant que ses alliés continuent la guerre, son gouvernement n’a pas le droit de se rendre à l’ennemi. Le gouvernement polonais, le gouvernement norvégien, le gouvernement hollandais, le gouvernement belge, le gouvernement luxembourgeois, quoique chassés de leur territoire, ont compris ainsi leur devoir.
Je dis le bon sens ! car il est absurde de considérer la lutte comme perdue. Oui, nous avons subi une grande défaite. Un système militaire mauvais, les fautes commises dans la conduite des opérations, l’esprit d’abandon du gouvernement pendant ces derniers combats, nous ont fait perdre la bataille de France. Mais il nous reste un vaste empire, une flotte intacte, beaucoup d’or. Il nous reste des alliés, dont les ressources sont immenses et qui dominent les mers. Il nous reste les gigantesques possibilités de l’industrie américaine. Les mêmes conditions de la guerre qui nous ont fait battre par 5 000 avions et 6 000 chars peuvent nous donner, demain, la victoire par 20 000 chars et 20 000 avions.
Je dis l’intérêt supérieur de la patrie ! car cette guerre n’est pas une guerre franco-allemande qu’une bataille puisse décider. Cette guerre est une guerre mondiale. Nul ne peut prévoir si les peuples qui sont neutres aujourd’hui le resteront demain, ni si les alliés de
l’Allemagne resteront toujours ses alliés. Si les forces de la liberté triomphaient finalement de celles de la servitude, quel serait le destin d’une France qui se serait soumise à l’ennemi ?
L’honneur, le bon sens, l’intérêt de la patrie, commandent à tous les Français libres de continuer le combat, là où ils seront et comme ils pourront.
Il est, par conséquent, nécessaire de grouper partout où cela se peut une force française aussi grande que possible. Tout ce qui peut être réuni, en fait d’éléments militaires français et de capacités françaises de production d’armement, doit être organisé partout où il y en a.
Moi, général de Gaulle, j’entreprends ici, en Angleterre, cette tâche nationale.
J’invite tous les militaires français des armées de terre, de mer et de l’air, j’invite les ingénieurs et les ouvriers français spécialistes de l’armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui pourraient y parvenir, à se réunir à moi.
J’invite les chefs et les soldats, les marins, les aviateurs des forces françaises de terre, de mer, de l’air, où qu’ils se trouvent actuellement, à se mettre en rapport avec moi.
J’invite tous les Français qui veulent rester libres à m’écouter et à me suivre.
Vive la France libre dans l’honneur et dans l’indépendance !
Vidéo : Charles de Gaulle
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : Charles de Gaulle
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