Jean-Paul II
Introduction:
Karol Jôzef Wojtyla (1920-2005) suit des études de lettres avant de travailler comme ouvrier lorsque la Pologne est occupée. Il entre en 1942 dans un séminaire clandestin pour être ordonné prêtre en 1946. Docteur en théologie et en philosophie, il est nommé évêque auxiliaire de Cracovie en 1958, à 38 ans, puis archevêque en 1964 et cardinal en 1967. Karol Wojtyla est élu pape le 16 octobre 1978, surprenant alors bon nombre de « spécialistes » des affaires vaticanes. Il est vrai que l’on n’attendait pas qu’un Slave brise le monopole italien établi depuis plusieurs siècles sur la fonction… Ayant pris le nom de Jean-Paul II, il voyage sur toute la planète au cours de son long pontificat. Il fait rédiger un catéchisme universel romain, approuvé en 1992, et crée les Journées mondiales de la jeunesse (JMJ), traduisant dans Les deux cas sa volonté de porter partout un même message du Christ. Mais ce propagandiste infatigable, cet « athlète de la foi », qui sera sur le tard terrassé par la maladie et voudra montrer alors au monde la dignité du malade, est aussi un homme de paix. C’est le 27 octobre 1986 que le pape accueille à Assise plus de deux cents représentants des différentes confessions, qui prient et jeûnent ensemble pour la paix. Une telle réunion a de nouveau lieu à Assise encore en 1993, puis en 1999, cette fois au Vatican, et en 2002 encore à Assise. Il ne s’agissait pas de conférences de théologiens ou d’un œcuménisme destiné à prouver — ou à trouver – un « plus petit dénominateur commun » aux différentes confessions. Il s’agissait simplement — si l’on ose écrire — d’affirmer le pou¬voir surnaturel de la prière, y compris dans notre monde moderne. Et de montrer aussi à ce monde que les différentes religions ne sont pas systématiquement des facteurs de guerre…
Discours de Jean-Paul II:
discours d’assise: Frères et sœurs, responsables et représentants des Églises et des Communautés ecclésiales chrétiennes et des religions du monde, chers amis, En concluant cette Journée mondiale de prière pour la paix, à laquelle, après avoir bien voulu accepter mon invitation, vous êtes venus de maintes régions du monde, j’aimerais exprimer maintenant mes sentiments, comme un frère et un ami, mais aussi comme croyant en Jésus- Christ et, dans l’Église catholique, premier témoin de la foi en lui. À la suite de la dernière prière, la prière chrétienne, dans la série que nous avons tous entendue, je professe à nouveau ma conviction, partagée par tous les chrétiens, qu’en Jésus-Christ, le Sauveur de tous, on peut trouver la vraie paix, « paix pour vous qui êtes loin et pour ceux qui sont proches » [Éph. 2, 17]. Sa naissance a été saluée par le chant des anges : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre paix aux hommes objets de sa complaisance » [Le 2, 14]. Il prêchait l’amour parmi tous les hommes, même entre ennemis : il proclamait bienheureux ceux qui œuvrent pour la paix [Mt 5, 9] et, par sa mort et sa résurrection, il réconciliait le ciel et la terre [Col. 1, 20]. Pour reprendre une expression de l’apôtre Paul : « Il est notre paix » [Éph. 2, 14]. C’est, en fait, ma conviction de foi qui m’a fait me tourner vers vous, représentants des Églises et des Communautés ecclésiales chrétiennes et des religions du monde, avec un amour et un respect profonds. Avec les autres chrétiens, nous partageons beaucoup de convictions, notamment en ce qui concerne la paix. Avec les religions du monde, nous partageons un profond respect de la conscience et l’obéissance à la conscience qui nous apprend à tous à chercher la vérité, à aimer et à servir toutes les personnes et tous les peuples, et, par conséquent, à faire la paix entre les personnes et entre les nations. Oui, nous considérons tous la conscience et l’obéissance à la conscience comme un élément essentiel sur la route vers un monde meilleur et en paix. Pourrait-il en être autrement, alors que les hommes et les femmes de ce monde ont une nature commune, une origine commune et une destinée commune ? S’il y a entre nous des différences nombreuses et importantes, n’est-il pas vrai qu’au niveau le plus profond de l’humanité, il y a un fondement commun, à partir duquel on peut agir ensemble en vue de la solution de ce défi dramatique de notre époque : paix véritable ou guerre catastrophique ? Oui, il y a la dimension de la prière qui, dans la diversité très réelle des religions, tente d’exprimer une communication avec une puissance au-dessus de toutes nos forces humaines. La paix dépend fondamentalement de cette puissance, que nous appelons Dieu et que, comme chrétiens, nous croyons révélée dans le Christ. C’est là le sens de cette Journée mondiale de prière. Pour la première fois dans l’histoire, nous nous sommes rassemblés de toutes parts, Églises et Communautés ecclésiales chrétiennes et religions du monde, dans ce lieu saint dédié à saint François, pour témoigner devant le monde, chacun suivant ses propres convictions, de la nature transcendante de la paix. La forme et le contenu de nos prières sont très différents, comme nous l’avons vu, et il ne peut être question de les réduire à une sorte de commun dénominateur. Cependant, dans cette différence même nous avons peut-être redécouvert que, en ce qui concerne le problème de la paix et de sa relation avec l’engagement religieux, il y a quelque chose qui nous lie les uns aux autres. Le défi de la paix, tel qu’il se présente actuellement à toutes les consciences humaines, transcende les différences religieuses. C’est le problème d’une qualité de vie convenable pour tous, le problème de la survie de l’humanité, le problème de la vie et de la mort. Devant un tel problème, deux éléments semblent avoir une importance suprême, et tous les deux nous sont communs à tous. Le premier est l’impératif intérieur de la conscience morale qui nous enjoint de respecter, de protéger, et de promouvoir la vie humaine, depuis le sein maternel jusqu’au lit de mort, pour les individus et pour les peuples, mais spécialement pour les faibles, les déshérités, les abandonnés : c’est l’impératif de surmonter l’égoïsme, l’avidité et l’esprit de vengeance. Le second élément commun est la conviction que la paix va bien au-delà des efforts humains, particulièrement dans l’état actuel du monde, et, par conséquent, que sa source et sa réalisation doivent être cherchées dans cette réalité qui est au-delà de nous tous. C’est pourquoi chacun de nous prie pour la paix. Même si nous pensons, et c’est le cas, que la relation entre cette réalité et le don de la paix est différente selon nos convictions religieuses respectives, nous affirmons tous qu’une telle relation existe. C’est ce que nous exprimons en priant pour la paix. Je redis ici humblement ma propre conviction : la paix porte le nom de Jésus-Christ. Mais, en même temps et de la même voix, je suis prêt à reconnaître que les catholiques n’ont pas toujours été fidèles à cette affirmation de foi. Nous n’avons pas toujours été des « artisans de paix ». Pour nous-mêmes, par conséquent, mais aussi peut- être pour nous tous, en un sens, cette rencontre à Assise est un acte de pénitence. Nous avons prié, chacun à notre manière, nous avons jeûné, nous avons marché ensemble. De cette façon, nous avons jeûné, nous avons gardé présentes à l’esprit les souffrances que des guerres dépourvues de sens ont provoquées et provoquent encore dans l’humanité. Par là, nous avons essayé d’être spirituellement proches de ces millions d’êtres qui sont victimes de la faim à travers le monde entier. Tandis que nous marchions en silence, nous avons réfléchi au chemin que parcourt la famille humaine : soit dans l’hostilité, si nous ne savons pas nous accepter les uns les autres avec amour ; soit comme une route commune vers notre haute destinée, si nous comprenons que les autres sont nos frères et nos sœurs. Le fait même que, de diverses régions du monde, nous soyons venus à Assise est en soi un signe de ce chemin commun que l’humanité est appelée à parcourir. Ou bien nous apprenons à marcher ensemble dans la paix et l’harmonie, ou bien nous partons à la dérive pour notre ruine et celle des autres. Nous espérons que ce pèlerinage à Assise nous aura réappris à prendre conscience de l’origine commune et de la destinée commune de l’humanité. Puissions-nous y voir une préfiguration de ce que Dieu voudrait que soit le cours de l’histoire de l’humanité : une route fraternelle sur laquelle nous nous accompagnons les uns les autres vers la fin transcendante qu’il établit pour nous. Prière, jeûne, pèlerinage. Cette journée à Assise nous a aidés à devenir plus conscients de nos engagements religieux. Mais elle a aussi donné au monde, qui nous regarde à travers les médias, une plus grande conscience de la responsabilité de chaque religion en ce qui concerne les problèmes de la guerre et de la paix. Peut-être plus que jamais auparavant dans l’histoire, le lien intrinsèque qui unit une attitude religieuse authentique et le grand bien de la paix est devenu évident pour tous. Quel poids terrible à porter pour des épaules humaines ! Mais, en même temps, quelle vocation merveilleuse et exaltante à suivre ! Bien que la prière soit en elle-même une action, cela ne nous dispense pas de travailler pour la paix. Ici, nous agissons comme les hérauts de la conscience morale de l’humanité en tant que telle, de l’humanité qui désire la paix, qui a besoin de la paix. Il n’y a pas de paix sans un amour passionné de la paix. Il n’y a pas de paix sans une volonté farouche de réaliser la paix. La paix attend ses prophètes. Ensemble, nous avons rempli nos yeux de visions de paix : elles libèrent des énergies pour un nouveau
langage de paix, pour de nouveaux gestes de paix, des gestes qui brisent l’enchaînement fatal des divisions héritées de l’histoire ou engendrées par les idéologies modernes. La paix attend ses bâtisseurs. Tendons la main à nos frères et à nos sœurs pour les encourager à bâtir la paix sur les quatre piliers que sont la vérité, la justice, l’amour et la liberté [Jean XXIII Pacem in Terris], La paix est un chantier ouvert à tous et pas seulement aux spécialistes, savants et stratèges. La paix est une responsabilité universelle : elle passe par mille petits actes de la vie quotidienne. Par leur manière journalière de vivre avec les autres, les hommes font leur choix pour ou contre la paix. Nous remettons la cause de la paix spécialement aux jeunes. Que les jeunes aident à libérer l’histoire des fausses routes où se fourvoie l’humanité ! La paix n’est pas seulement entre les mains des individus, mais aussi des nations. Aux nations revient l’honneur de fonder leur action pacificatrice sur la conviction que la dignité humaine est sacrée et sur la reconnaissance de l’indiscutable égalité des hommes entre eux. Nous invitons instamment les responsables des nations et des organisations internationales à susciter inlassablement des structures de dialogue partout où la paix est menacée ou déjà compromise. Nous apportons notre soutien à leurs efforts souvent harassants pour maintenir ou rétablir la paix. Nous renouvelons pleinement nos encouragements à l’ampleur et à la grandeur de sa mission universelle de paix. En réponse à l’appel que j’ai lancé depuis Lyon en France, le jour où les catholiques célèbrent la fête de saint François, nous espérons que les armes se sont tues, que les attaques ont cessé. Cela serait un premier résultat significatif de l’efficacité spirituelle de la prière. En fait, cet appel a retenti en beaucoup de cœurs et sur beaucoup de lèvres, partout dans le monde, particulièrement là où les hommes souffrent de la guerre et de ses conséquences. Il est vital de choisir la paix et les moyens de l’obtenir. La paix, si fragile de nature, exige que l’on veille sur elle constamment et intensément. Sur ce chemin, nous avancerons à pas sûrs et redoublés, car jamais sans doute comme aujourd’hui les hommes n’ont disposé d’autant de moyens pour construire une vraie paix. L’humanité est entrée dans une ère d’irrésistible solidarité et d’insatiable faim de justice sociale. C’est notre chance. C’est aussi une tâche que la prière nous aide à assumer. Ce que nous avons fait aujourd’hui à Assise, en priant et en témoignant de notre engagement pour la paix, nous devons continuer à le faire chaque jour de notre vie. Car ce que nous avons fait aujourd’hui est vital pour le monde. Si le monde doit continuer, et si les hommes et les femmes doivent y survivre, le monde ne peut pas se passer de la prière. C’est la leçon permanente d’Assise : c’est la leçon de saint François qui a incarné un idéal attirant pour nous ; c’est la leçon de sainte Claire, la première de ses disciples. Cet idéal est fait de douceur, d’humilité, d’un sens profond de Dieu, et de l’engagement à servir tous ses frères. Saint François était un homme de paix. Nous nous rappelons qu’il abandonna la carrière militaire qu’il avait suivie un temps dans sa jeunesse, il découvrit la valeur de la pauvreté, la valeur de la vie simple et austère, dans l’imitation de Jésus- Christ qu’il désirait servir. Sainte Claire était, par excellence, la femme de la prière. Son union à Dieu dans la prière nous soutient aujourd’hui. François et Claire sont des exemples de paix : avec Dieu, avec soi-même, avec tous les hommes et toutes les femmes de ce monde. Que ce saint homme et cette sainte femme inspirent tous les hommes d’aujourd’hui, afin qu’ils aient le même amour de Dieu et du prochain pour continuer sur le chemin où nous devons marcher ensemble ! Marqués par l’exemple de saint François et de sainte Claire, vrais disciples du Christ, convaincus à nouveau par l’expérience de cette Journée que nous avons vécue ensemble, nous nous engageons à réexaminer notre conscience, afin d’entendre plus fidèlement sa voix, de purifier nos esprits des préjugés, de la colère, de l’inimitié, de la jalousie et de l’envie. Nous chercherons à être des artisans de paix en pensée et en action, l’esprit et le cœur tendus vers l’unité de la famille humaine. Et nous appelons nos frères et nos sœurs qui nous entendent à en faire de même. Nous faisons cela en étant conscients de nos limites humaines et du fait que, laissés à nous-mêmes, nous échouerions. C’est pourquoi nous réaffirmons et nous reconnaissons que l’avenir de notre vie et la paix dépendent toujours du don que Dieu nous fait. Dans cet esprit, nous voudrions que les responsables du monde sachent que nous implorons humblement Dieu pour la paix. Mais nous leur demandons aussi de reconnaître leurs responsabilités et de renouveler leur engagement à travailler avec courage et inspiration. Permettez-moi de me tourner vers chacun de vous, représentants des Églises et des Communautés ecclésiales chrétiennes et des religions du monde, vous qui êtes venus à Assise pour cette Journée de prière, de jeûne et de pèlerinage. À nouveau, je vous remercie d’avoir accepté mon invitation à venir ici pour cet acte qui porte témoignage devant le monde. Je remercie aussi tous ceux qui ont rendu possible notre présence ici, en particulier nos frères et sœurs d’Assise. Et par-dessus tout, je remercie Dieu, le Dieu et Père de Jésus-Christ, pour cette Journée de grâce pour le monde, pour chacun de vous, et pour moi-même. Je le fais avec les paroles attribuées à saint François : « Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix : / Là où se trouve la haine, que je mette l’amour ; / Là où se trouve l’offense, que je mette le pardon ; / Là où se trouve le doute, que je mette la foi ; / Là où se trouve le désespoir, que je mette l’espérance ; / Là où se trouvent les ténèbres, que je mette la lumière ; / Là où se trouve la tristesse, que je mette la joie. / à divin Maître, fais que je ne cherche pas tant à être consolé qu’à consoler ; / à être compris qu’à comprendre ; / à être aimé qu’à aimer ; / car c’est en donnant que nous recevons ; / c’est en pardonnant que nous sommes pardonnés, / et c’est en mourant que nous naissons à la vie éternelle. »
Vidéo : Jean-Paul II
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : Jean-Paul II
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