Au revoir
Auteur : Valéry Giscard d’Estaing , en 1981
Explication
Le 10 mai 1981, les Français n’ont pas réélu Giscard d’Estaing à la présidence de la République. Le 19, avant le Journal télévisé de 20 h, le Président battu s’adresse une dernière fois aux Français, depuis son bureau bleu de l’Elysée. Des fleurs sont posées sur la table. Cette allocution doit rester dans l’Histoire comme un passage de témoin apaisé et démocratique : « J’ai voulu que le changement se fasse dans les institutions républicaines ; j’accueillerai moi-même M. François Mitterrand. » Tout en précisant, à bon entendeur : « Je ferai en sorte de me tenir à la disposition du pays. »
Mais quelques mots et une image vont anéantir ses intentions dans l’opinion : « Je souhaite que la Providence veille sur la France », dit-il. La Providence, c’est-à-dire la protection de Dieu. Un mot bien peu républicain, qui sent trop l’Ancien Régime. Puis simplement, les yeux brillants : « Au revoir. » Après quelques secondes, il se lève, tourne le dos et sort de la pièce ; plan fixe sur la chaise vide et le bureau abandonné, au son de la Marseillaise, pendant plus d’une minute à l’écran.
À son corps défendant, Giscard d’Estaing laisse ainsi le souvenir d’un souverain hautain qui semble dire, comme la marquise de Pompadourà son amant Louis XV, « après nous, le déluge ». Il a eu maintes fois l’occasion de s’en expliquer par la suite : le départ et la chaise vide, c’était simplement pour donner un peu de dynamisme à l’allocution. C’était sans compter la puissance des images télévisées.