Général Charles De Gaulle
Le général de Gaulle se rend en visite officielle au Canada en 1967, pour l’inauguration de l’Exposition internationale, et reçoit un accueil triomphal sur son trajet de Québec à Montréal. C’est dans cette dernière ville qu’il est invité par le maire, M. Drapeau, à prononcer quelques mots au balcon de l’Hôtel de Ville, devant une foule de plus de cent mille personnes.
C’est à la fin de cette allocution improvisée qu’il lance son « Vive le Québec libre ! », qui déchaîne la foule… et la colère du gouvernement fédéral canadien. Le Premier ministre canadien déclare ces propos « inacceptables », de Gaulle fait répondre que le mot inacceptable est lui- même inacceptable et, annulant sa visite à Ottawa, repart pour la France.
La presse française se montra largement critique, considérant qu’il s’agissait d’une déclaration incontrôlée qui ne rendait pas justice au soutien apporté à la France libre par le Canada anglophone lors du second conflit mondial.
Mais le Général justifie ensuite ses propos lors de la conférence de presse du 27 novembre 1967. Il salue alors la lutte des Québécois pour la sauvegarde de leur culture franco¬phone et, au-delà, parle de leur sentiment « national » et des
conditions de leur éventuelle émancipation de l’état fédéral canadien. Sans doute avait-il saisi combien son mot, certes improvisé, avait réveillé d’espoirs au Québec.
Discours de Charles de Gaulle:
VIVE LE QUEBEC LIBRE !
C’est une immense émotion qui remplit mon cœur en voyant devant moi la ville de Montréal… française !
Au nom du vieux pays, au nom de la France, je vous salue ! Je vous salue de tout mon cœur !
Je vais vous confier un secret que vous ne répéterez pas. Ce soir ici, et tout le long de ma route, je me trou¬vais dans une atmosphère du même genre que celle de la Libération ! Et tout le long de ma route, outre cela, j’ai constaté quel immense effort de progrès, de développement, et par conséquent d’affranchissement vous accomplissez ici et c’est à Montréal qu’il faut que je le dise, parce que, s’il y a au monde une ville exemplaire par ses réussites modernes, c’est la vôtre ! Je dis c’est la vôtre et je me permets d’ajouter, c’est la nôtre !
Si vous saviez quelle confiance la France, réveillée après d’immenses épreuves, porte maintenant vers vous, si vous saviez quelle affection elle recommence à ressentir pour les Français du Canada et si vous saviez à quel point elle se sent obligée de concourir à votre marche en avant, à votre progrès. C’est pourquoi elle a conclu avec le gouvernement du Québec, avec celui de mon ami Johnson, des accords, pour que les Français de part et d’autre de l’Atlantique travaillent ensemble à une même œuvre française. Et, d’ailleurs, le concours que la France va, tous les jours un peu plus, prêter ici, elle sait bien que vous le lui rendrez, parce que vous êtes en train de vous
constituer des élites, des usines, des entreprises, des laboratoires, qui feront l’étonnement de tous et qui, un jour, j’en suis sûr, vous permettront d’aider la France.
Voilà ce que je suis venu vous dire ce soir en ajoutant que j’emporte de cette réunion inouïe de Montréal un souvenir inoubliable ! La France entière sait, voit, entend ce qui se passe ici, et je puis vous dire qu’elle en vaudra mieux !
Vive Montréal !
Vive le Québec !
Vive le Québec libre !
Vive, vive… Vive le Canada français !
Et vive la France !
charles de gaulle
Alors que sont en train de se dérouler les événements de mai 1968, la même question se pose pour certains qu’en 1789 : s’agit-il d’une émeute ou d’une révolution ? De Gaulle a proposé aux Français, dans une allocution du 24 mai, un référendum sur la « rénovation » de l’État, notamment dans les dimensions universitaire et sociale. Une fois de plus, il se voit accusé d’utiliser le référendum comme un plébiscite et de faire passer des réformes en engageant sa responsabilité politique. C’est pourtant cette responsabilité politique du président devant le peuple qui constitue un élément essentiel de l’esprit des institutions de la V République.
Le 26 mai, les accords de Grenelle sont signés mais, pour certains chefs de la gauche, le temps est venu de mettre à bas le régime. Le 27 mai, c’est la manifestation du stade Charléty. Les 27 et 28 mai, François Mitterrand annonce sa candidature à la présidence de la République et demande la formation d’un gouvernement provisoire de dix membres, dirigé par Pierre Mendès France. Le 29 mai, ce dernier se dit prêt à accepter, tandis que des manifestations, à Paris et en province, réunissent étudiants et syndicalistes.
Ce même jour, de Gaulle disparaît, et même les membres du gouvernement ne savent pas où il se trouve. Il est en fait parti en hélicoptère à Baden-Baden pour y rencontrer le général Massu qui commande les forces françaises stationnées en Allemagne.
À son retour, il choisit d’agir en demandant l’arbitrage du peuple souverain non sur un référendum, comme il l’avait initialement pensé, mais au travers de la dissolution de l’Assemblée nationale et des nouvelles élections législatives qui doivent suivre. Il fait en ce sens cette déclaration du 30 mai, concise, décidée, restaurant en quelques minutes une image de chef d’état un peu estompée lors des événements. Elle sera suivie d’une immense manifestation gaulliste de soutien sur les Champs-Élysées.
Lors des élections de juin 1968, la droite obtient la majorité écrasante de 354 sièges sur 487. Mais de Gaulle veut tenter l’année suivante, par voie référendaire, une réforme institutionnelle concernant notamment la composition et le rôle du Sénat. Le 27 avril 1969, en partie à la suite de la défection de certains membres de la majorité — dont Valéry Giscard d’Estaing —, le « non » l’emporte par 52,41 % des voix. Et le 28 avril 1969 tombe le dernier communiqué du président de Gaulle : « Je cesse d’exercer mes fonctions de président de la République. Cette décision prend effet aujourd’hui à midi. »
Discours de Général Charles De Gaulle:
Je dissous aujourd’hui l’Assemblée nationale:
Françaises, Français, Étant le détenteur de la légitimité nationale et républicaine, j’ai envisagé depuis vingt-quatre heures toutes les éventualités sans exception qui me permettraient de la maintenir. J’ai pris mes résolutions. Dans les circonstances présentes, je ne me retirerai pas. J’ai un mandat du peuple, je le remplirai.
Je ne changerai pas le Premier ministre dont la valeur, la solidité, la capacité méritent l’hommage de tous. Il me proposera les changements qui lui paraîtront utiles dans la composition du gouvernement. Je dissous aujourd’hui l’Assemblée nationale. J’ai proposé au pays un référendum qui donnait aux citoyens l’occasion de prescrire une réforme profonde de notre économie et de notre université et en même temps de dire s’ils me gardaient leur confiance ou non par la seule voie acceptable, celle de la démocratie. Je constate que la situation actuelle empêche matériellement qu’il y soit procédé. C’est pourquoi j’en diffère la date.
Quant aux élections législatives, elles auront lieu dans les délais prévus par la Constitution, à moins qu’on entende bâillonner le peuple français tout entier en l’empêchant de s’exprimer en même temps qu’on l’empêche de vivre par les mêmes moyens qu’on empêche les étudiants d’étudier, les enseignants d’enseigner, les travailleurs de travailler. Ces moyens, ce sont l’intimidation, l’intoxication et la tyrannie exercées par des groupes organisés de longue main en conséquence, et par un parti qui est une entreprise totalitaire même s’il a déjà des rivaux à cet égard.
Si donc cette situation de force se maintient, je devrai, pour maintenir la République, prendre, conformément à la Constitution, d’autres voies que le scrutin immédiat du pays. En tout cas, partout et tout de suite, il faut que s’organise l’action civique. Cela doit se faire pour aider le gouvernement d’abord, puis localement les préfets devenus ou redevenus Commissaires de la République, dans leur tâche qui consiste à assurer autant que possible l’existence de la population et à empêcher la subversion à tout moment et en tout lieu.
La France en effet est menacée de dictature. On veut la contraindre à se résigner à un pouvoir qui s’imposerait dans le désespoir national, lequel pouvoir serait alors évidemment essentiellement celui du vainqueur, c’est-à-dire celui du communisme totalitaire. Naturellement, on le colorerait pour commencer d’une apparence trompeuse en utilisant l’ambition et la haine de politiciens au rancart. Après quoi ces personnages ne pèseraient pas plus que leur poids, qui ne serait pas lourd. Eh bien non, la République n’abdiquera pas, le peuple se ressaisira, le progrès, l’indépendance et la paix l’emporteront avec la liberté.
Vive la République.
Vive la France !
Vidéo : Général Charles De Gaulle
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