Yasser Arafat
Introduction:
Yasser Arafat (1929-2004) a été le symbole de la cause palestinienne, et ce, comme beaucoup de figures du conflit du Proche-Orient, d’abord comme activiste, avant de l’être comme homme d’État. Arafat dirige en effet le Fatah, le mouvement de libération de la Palestine créé en 1959, puis l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), créée elle en 1964pour fédérer les divers partis existants. Ces deux organisations n’hésiteront pas à se lancer dans des opérations terroristes dirigées contre des militaires israéliens comme contre des civils.
Les trois millions de Palestiniens d’alors sont séparés en deux groupes : une moitié d’entre eux environ vit sur le territoire d’Israël ; l’autre moitié est dispersée en une diaspora, en Jordanie notamment, puis, après des affrontements avec l’armée jordanienne, au Liban ou en Syrie, autant de bases arrière à l’action de certains groupes activistes.
Mais, en 1974, l’Organisation des Nations unies reconnaît la légitimité de l’OLP, et Yasser Arafat est invité à s’exprimer devant l’Assemblée générale comme un chef d’État en puissance. C’est lors du discours prononcé en 1975 qu’il déclare devant les délégués, pistolet en poche, qu’il est porteur à la fois du rameau d’olivier de la paix et du fusil du révolutionnaire.
Peu à peu, la nécessité d’un futur État palestinien (dont le principe a été voté par l’ONU en 1976) devient une réalité pour Israël même, et l’État hébreu se décide à considérer Arafat comme un interlocuteur valable au début des années 1990. C’est donc lui qui représente l’OLP et l’ensemble du peuple palestinien jusqu’aux accords signés en 1993 à Oslo.
Premier président de la nouvelle Autorité palestinienne, Arafat reçoit le prix Nobel de la Paix en 1994, en compagnie des Israéliens Shimon Peres et Yitzhak Rabin. Mais, à partir de 2001, avec le déclenchement de la seconde Intifada, la situation se durcit à nouveau entre Israéliens et Palestiniens Isolé politiquement, Arafat vient mourir en France en 2004.
Le texte présenté ici n’est pas le discours de 1975 mais celui de décembre 1988, intermédiaire entre la reconnaissance internationale et les accords de paix. Le 15 novembre 1988, en effet, le Conseil national palestinien (organe législatif de l’OLP) a proclamé depuis Alger la naissance d’un État palestinien ayant pour capitale Jérusalem : c’est la reconnaissance de cet État que vient chercher Yasser Arafat
à l’ONU (résolution 43/177 du 15 décembre 1988). Mais 1988 est aussi l’année de la première Intifada et les États- Unis ne souhaitent pas, dans ces conditions, que le leader palestinien s’exprime à New York. C’est donc devant l’Assemblée générale des Nations unis, à Genève, que Arafat prononce son discours. Plus qu ’en 1975 peut-être, il se pose ici en bâtisseur, même s’il continue de dénoncer la politique, selon lui colonialiste, menée par Israël.
Discours de Yasser Arafat:
Proclamation de l’état palestinien:
Monsieur le Président,
Messieurs les représentants,
Jamais je n’aurais imaginé que ma première rencontre depuis 1974 avec votre auguste assemblée aurait lieu dans cette bonne et hospitalière ville de Genève. Je pensais que les acquis et les nouvelles positions politiques auxquelles est parvenu notre peuple palestinien lors de la tenue du Conseil national, à Alger, qui ont toutes reçu un accueil international très favorable, m’obligeraient sans nul doute à me rendre à New York, au siège de l’Organisation internationale, pour vous y présenter nos résolutions politiques et la vision que nous avons de l’avenir de la paix dans notre patrie, telles qu’elles ont été élaborées par notre Conseil national palestinien, la plus haute instance législative de nos institutions politiques.
Ma rencontre avec vous aujourd’hui à Genève, après qu’une injuste décision américaine m’eut empêché d’aller vous rencontrer à New York, est donc pour moi source de fierté et de joie. Fierté d’être avec vous, parmi vous, vous qui êtes la plus haute des tribunes pour toutes les causes de justice et de paix dans le monde. Ma joie, c’est d’être à Genève, là où la justice et la neutralité sont un flambeau et une constitution dans un monde où ceux qui croient à l’arrogance de la force brute perdent la neutralité et le sens de la justice qu’ils portent en eux. C’est pour cela que la décision de votre auguste assemblée, adoptée à la majorité des cent cinquante-quatre États, de tenir ici même cette réunion, n’est pas une victoire sur une décision américaine. C’est la victoire du consensus international en faveur de la liberté, c’est un plébiscite sans précédent en faveur de la paix, et c’est la preuve que la juste cause de notre peuple s’est définitivement enracinée dans la structure même de la conscience universelle.
Il y a quatorze ans, le 13 novembre 1974, j’avais reçu de vous une gracieuse invitation à exposer, devant cette auguste assemblée, la cause de notre peuple palestinien. Me voici de nouveau devant vous, après toutes ces années riches en événements dramatiques, et je constate que de nouveaux peuples occupent désormais leur place parmi vous, couronnement de leurs victoires dans les combats de la liberté et de l’indépendance. Aux représentants de ces peuples, j’adresse les félicitations de notre peuple, et je proclame devant vous tous que je reviens à vous la voix plus haute, la détermination plus ferme et la confiance plus assurée pour affirmer que notre lutte, inévitablement, portera ses fruits. J’affirme que l’État de Palestine, dont nous avons proclamé l’établissement lors de notre Conseil national, prendre inévitablement sa place parmi vous pour participer à vos côtés à l’application de la Charte de cette organisation et pour faire respecter la Déclaration des droits de l’homme, pour mettre fin aux tragédies endurées par l’humanité et jeter les bases du droit, de la justice, de la paix et de la liberté pour tous.
Il y a quatorze ans, lorsque vous nous avez dit, dans la salle de l’Assemblée générale :
« Oui à la Palestine et au peuple de Palestine, oui à l’Organisation de libération de la Palestine, oui aux droits nationaux inaliénables du peuple palestinien », certains s’étaient imaginé que vos résolutions ne seraient suivies d’aucun effet notable. Ils ne comprenaient pas que ces résolutions allaient devenir une des sources les plus vives à laquelle s’abreuverait le rameau d’olivier que je portais ce jour-là, ce rameau qui s’est transformé, après que nous l’ayons arrosé de notre sang, de nos larmes et de notre sueur, en un arbre qui prend ses racines dans la terre, dont les branches s’élancent vers le ciel et qui promet le fruit de la victoire sur l’oppression, la tyrannie et l’occupation. Vous nous avez offert l’espoir du triomphe de la liberté et de la justice. Nous vous avons offert en retour une génération entière des enfants de notre peuple, qui a consacré sa vie à la réalisation de cet espoir, la génération de l’Intifada bénie, qui brandit aujourd’hui la pierre de la patrie pour défendre sa dignité et l’honneur d’appartenir à un peuple assoiffé de liberté et d’indépendance.
À vous tous ici présents, je transmets les salutations des enfants de notre peuple héroïque, hommes et femmes, des masses de notre Intifada bénie qui entre dans sa seconde année avec ce grand élan, cette organisation minutieuse et cette pratique éminemment civilisée et démocratique jusque dans la confrontation avec l’occupation, l’exploitation, la tyrannie et les crimes monstrueux quotidiennement commis à leur encontre par les occupants israéliens.
À vous tous ici présents, je transmets le salut de nos garçons et de nos filles dans les prisons et les camps de détention collective de l’occupation. À vous tous, je transmets le salut des enfants de la pierre qui défient l’occupation, ses avions et ses chars, et font revivre dans les mémoires l’image nouvelle du David palestinien aux mains nues face à Goliath l’Israélien bardé d’armes.
Lors de notre première rencontre, j’avais conclu mon intervention en affirmant, en ma qualité de président de l’OLP et de commandant de la révolution palestinienne, que nous ne voulions pas que soit versée une seule goutte de sang, juif ou arabe, et que nous ne voulions pas que les combats se poursuivent, ne fut-ce qu’une minute. Je m’étais adressé à vous, dans l’espoir que nous parviendrions à abréger la douleur et les souffrances, à hâter la mise en place des bases d’une paix juste fondée sur la garantie des droits de notre peuple, de ses aspirations et de ses espoirs, comme des droits de tous les peuples, sur un pied d’égalité.
Je m’étais adressé à vous pour que vous vous teniez aux côtés de notre peuple en lutte pour l’exercice de son droit à l’autodétermination, pour que vous lui donniez les moyens de retourner de son exil imposé par la force des baïonnettes et de l’arbitraire, pour que vous nous aidiez à mettre fin à la tyrannie imposée à tant de générations de notre peuple, depuis tant de décennies, afin qu’il puisse enfin vivre dans sa patrie, retrouver ses maisons, libre et souverain, jouissant de la plénitude de ses droits nationaux et humains. Et j’avais, pour finir, affirmé du haut de cette tribune que la guerre surgissait de Palestine, et que la paix commençait en Palestine.
Le rêve que nous caressions alors était d’établir un État palestinien démocratique au sein duquel vivraient musulmans, chrétiens et juifs sur un pied d’égalité, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs, dans une seule société unifiée, à l’instar d’autres peuples sur cette terre dans notre monde contemporain.
Quelle ne fut pas notre surprise lorsque nous entendîmes les responsables israéliens expliquer que ce rêve palestinien, inspiré de l’héritage des messages divins qui ont illuminé le ciel de la Palestine ainsi que des valeurs humaines qui fondent la coexistence au sein d’une société démocratique et libre, était un plan visant à les détruire et à les anéantir.
Il nous fallait tirer les leçons d’un tel état de fait, constater la distance qui le séparait du rêve. Nous prîmes alors, au sein de l’OLP, l’initiative de procéder à la recherche de formules alternatives réalistes et praticables pour apporter à ce problème une solution fondée sur une justice possible, et non pas sur une justice absolue. Une solution qui puisse garantir les droits de notre peuple à la liberté, la souveraineté et l’indépendance, et qui puisse également garantir à tous la paix, la sécurité et la stabilité, évitant à la Palestine et au Moyen-Orient la poursuite des guerres et des combats qui s’y déroulent depuis quarante ans.
Ne sommes-nous pas ceux qui ont pris l’initiative d’invoquer la Charte des Nations unies et leurs résolutions, la Déclaration universelle des droits de l’homme et la légalité internationale en tant que références de base pour la solution du conflit arabo-israélien ?
Quelle fut la position d’Israël face à tout cela ? L’attitude d’Israël devant tout cela fut l’escalade de ses projets de colonisation et d’expansion. Elle consista à élargir le champ des destructions et des ruines, et à faire à nouveau couler le sang. Elle consista à multiplier les fronts, jusqu’à y inclure le Liban frère, que les troupes d’occupation envahirent en 1982, avec les conséquences que l’on sait, les massacres comme ceux de Sabra et de Chatila, et les boucheries perpétrées à l’encontre des deux peuples, libanais et palestinien. Israël continue d’occuper une partie du Sud-Liban, et ce pays doit quotidiennement faire face aux raids de l’aviation et aux agressions aériennes, terrestres ou maritimes qui frappent ses villes et ses villages comme elles frappent nos camps dans le sud.
Il est triste et regrettable que seul le gouvernement des États-Unis continue à soutenir et à appuyer ces plans israéliens d’agression et d’expansion, et continue à soutenir Israël dans la poursuite de son occupation de nos territoires palestiniens et arabes, dans la poursuite de ses crimes et de sa politique de main de fer contre nos enfants et nos femmes.
Il est également douloureux et regrettable que le gouvernement américain s’obstine à refuser de reconnaître à six millions de Palestiniens le droit à l’autodétermination, qui est un droit sacré pour le peuple américain comme pour tous les peuples de la terre.
Je rappelle au peuple américain la position du président Wilson, père de ces deux principes universels qui régissent les relations internationales que sont l’inadmissibilité de l’acquisition du territoire d’autrui par la force, et le droit des peuples à l’autodétermination.
Les administrations américaines qui se sont succédé au cours de ces années savent pourtant pertinemment que l’unique acte de naissance de l’État d’Israël, c’est la résolution 181 de l’Assemblée générale des Nations unies, adoptée le 29 novembre 1947 avec le soutien des États-Unis et de l’Union soviétique et qui recommandait l’établissement de deux États en Palestine, l’un arabe palestinien et l’autre juif. Comment le gouvernement américain peut-il expliquer sa position, qui consiste à reconnaître la moitié de cette résolution relative à Israël tout en rejetant l’autre moitié relative à l’État palestinien ? Mieux encore, comment le gouvernement américain peut-il expliquer son manque d’empressement à faire appliquer une résolution qu’il a lui-même adoptée et dont il a plus d’une fois réaffirmé la validité face à votre auguste assemblée, à savoir la résolution 194, qui reconnaît le droit des Palestiniens au retour dans les foyers dont ils ont été chassés et au recouvrement de leurs biens ou à l’indemnisation de ceux qui ne souhaiteraient pas revenir ?
Le gouvernement des États-Unis sait bien qu’il ne peut, pas plus qu’aucun autre État, s’arroger le droit de fractionner la légalité internationale ni vider de leur sens les jugements du droit international.
La lutte continue de notre peuple pour ses droits remonte à des dizaines d’années, au cours desquelles il a consenti des centaines de milliers de martyrs et de blessés, enduré toutes sortes de souffrances, traversé des tragédies sans jamais défaillir et sans que sa volonté ne s’émousse. Au contraire, il n’a cessé de renforcer sa détermination à demeurer attaché à sa patrie palestinienne et à son identité nationale.
Les dirigeants israéliens, en proie à une euphorie trompeuse, s’étaient imaginé qu’après notre départ de Beyrouth l’OLP allait être engloutie par la mer. Ils ne s’attendaient pas à ce que le départ vers les exils se transforme en chemin du retour à la patrie, au véritable champ de bataille, à la Palestine occupée.
C’est alors qu’advint l’héroïque soulèvement populaire à l’intérieur de notre terre occupée, cette Intifada qui s’est levée pour se poursuivre jusqu’à la réalisation de nos objectifs de liberté et d’indépendance nationale.
Je m’enorgueillis d’être l’un des fils de ce peuple qui trace avec le sang de ses enfants, de ses femmes et de ses hommes l’admirable épopée de la résistance populaire, réalisant des miracles quotidiens, frisant la légende pour que son Intifada continue, pour qu’elle se développe et s’étende, jusqu’à ce qu’elle impose sa volonté et fasse la preuve que le droit peut l’emporter sur la force.
Chaleureuses salutations aux masses de notre peuple qui forgent aujourd’hui cette expérience révolutionnaire et démocratique unique en son genre !
C’est cette foi que la machine de guerre israélienne n’a jamais pu ébranler, que les balles de toutes sortes n’ont jamais pu réduire ni terroriser, dont l’ensevelissement des vivants, les os brisés, les avortements provoqués par les gaz et la mainmise sur les ressources en eau n’ont jamais pu venir à bout, et que ni les arrestations, ni les prisons, ni les exils, ni les expulsions hors de la patrie n’ont affaiblie. Quant aux châtiments collectifs, aux dynamitages de maisons, à la fermeture des universités, des écoles, des syndicats, des associations et des institutions, quant à l’interdiction des journaux et au blocus des camps, des villages et des villes, tout cela n’a fait que raffermir cette foi, jusqu’à ce que la révolution embrasse chaque foyer, jusqu’à ce quelle s’enracine dans chaque pouce de la terre de la patrie.
Un peuple qui a parcouru cet itinéraire, un peuple héritier de cette histoire ne peut être défait. Nulle force et nulle terreur ne sauraient lui faire renier sa foi parfaite en son droit à une patrie comme en son adhésion aux valeurs de la justice, de la paix, de l’amour et de la coexistence tolérante. Et comme le fusil du révolutionnaire nous a protégés, empêchant notre liquidation et l’annihilation de notre identité nationale sur le champ brûlant des combats, nous avons une totale confiance en notre capacité à défendre notre rameau d’olivier sur le champ des batailles politiques. Le ralliement mondial à la justesse de notre cause et en faveur de l’instauration de la paix basée sur la justice démontre sans ambiguïté que le monde sait aujourd’hui qui est le bourreau et qui est la victime, qui est l’agresseur et qui est l’agressé, qui mène la lutte pour la liberté et pour la paix et qui est le terroriste. Et voici que les pratiques quotidiennes des forces d’occupation et des bandes de colons fanatiques et armés contre notre peuple, ses enfants et ses femmes, mettent à nu le visage hideux de l’occupation israélienne, le révèlent dans sa vérité d’agresseur.
Cette conscience mondiale grandissante a fini par toucher des groupes juifs eux-mêmes, à l’intérieur comme à l’extérieur d’Israël, dont les yeux se sont ouverts à la réalité du problème et à l’essence du conflit, et qui ont pris conscience des pratiques quotidiennes inhumaines qui détruisent la tolérance dans l’âme même du judaïsme. Il est désormais bien difficile, voire impossible, pour un Juif de déclarer son refus de l’oppression raciste et son attachement aux libertés et aux droits de l’homme et de se taire face aux violations israéliennes des droits de l’homme, face aux crimes commis à l’encontre du peuple et de la patrie palestiniens, et plus particulièrement face aux pratiques quotidiennes odieuses des occupants et des bandes de colons armés.
Nous faisons une claire distinction entre le citoyen juif dont les milieux israéliens au pouvoir tentent d’étouffer et de dénaturer la conscience, d’une part, et les pratiques des dirigeants israéliens, d’autre part.
Plus encore, nous réalisons qu’il y a en Israël comme hors d’Israël des Juifs nobles et courageux qui n’approuvent pas la politique de répression et les massacres, qui réprouvent la politique d’expansion, de colonisation et d’expulsion du gouvernement d’Israël et qui reconnaissent à notre peuple un droit égal à la vie, à la liberté et à l’indépendance. Au nom du peuple palestinien, je les remercie tous pour cette position courageuse et honorable.
Notre peuple ne revendique aucun droit qui ne soit le sien, qui ne lui soit reconnu par le droit et les lois internationales. Il ne veut pas d’une liberté au détriment de la liberté d’un autre peuple ni d’un destin qui annulerait celui d’un autre peuple. Notre peuple refuse tout
privilège dont il pourrait jouir aux dépens d’un autre peuple, comme il refuse qu’un autre peuple jouisse de privilèges à ses dépens. Notre peuple aspire à l’égalité avec tous les autres peuples, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs. J’adresse cet appel à tous les peuples du monde, et particulièrement à ceux qui ont subi l’occupation nazie, et qui ont alors considéré que leur devoir consistait à tourner la page de la tyrannie et de l’oppression exercées par un peuple sur un autre, et d’apporter aide et soutien à toutes les victimes du terrorisme, du fascisme et du nazisme. J’en appelle à ces peuples pour qu’ils prennent clairement conscience de la responsabilité que l’histoire leur a fait porter à l’égard de notre peuple martyrisé qui réclame pour ses enfants une place au soleil de leur patrie, pour qu’ils puissent y vivre comme les enfants du monde entier, libres sur une terre libre.
Il est encourageant de constater que le chemin de notre lutte a atteint ce sommet qu’est l’Intifada dans un climat international caractérisé par des efforts soutenus et sérieux en faveur de la détente et de l’entente internationales et pour le progrès des peuples. C’est avec une grande joie que nous sommes témoins des succès remportés par les Nations unies et leur Secrétaire général dans le cadre de leur contribution efficace à la solution de nombreux problèmes et à l’extinction de nombreux foyers de tension dans le monde, dans ce nouveau climat de concorde internationale.
Assurément, il n’est pas possible de consolider ce climat international nouveau et positif sans se tourner vers les problèmes et les foyers de tension éparpillés de par le monde. C’est d’autant plus nécessaire que cela permettra à la conscience humaine de réaliser avec plus d’acuité un bilan de l’activité des hommes et des États, et d’entrevoir avec plus de transparence ce que le siècle qui s’approche
nous réserve de défis et de responsabilités nouvelles, loin de la guerre et de la destruction, sur le chemin de la liberté, du bien-être, de la paix et du progrès de l’humanité.
Nous nous accordons tous ici sur le fait que la question palestinienne constitue le problème des problèmes du monde contemporain. C’est la question la plus anciennement inscrite à l’ordre du jour de vos travaux. C’est le problème régional le plus complexe, le plus ramifié, le plus dangereux pour la paix et la sécurité mondiales. La question palestinienne constitue également une priorité pour les deux superpuissances et tous les États conscients de la nécessité d’efforts particuliers pour tracer le chemin d’une solution, sur la base de principes de justice qui constituent en eux-mêmes la meilleure des garanties pour l’extension de la paix à l’ensemble du Moyen-Orient.
J’ai la joie de vous annoncer en toute fierté que notre Conseil national palestinien, par une pratique démocratique totalement libre, assumait ses hautes responsabilités nationales et avait adopté une série de résolutions sérieuses, constructives et responsables. […]
La première et la plus décisive des résolutions prises par notre Conseil, c’est la proclamation de l’État de Palestine avec pour capitale Al-Qods Al-Sharif, Jérusalem, et ce sur la base du droit naturel, historique et légal du peuple arabe palestinien à sa patrie, la Palestine. […]
Cet État de Palestine est l’État des Palestiniens où qu’ils soient. Ils pourront y développer leur identité nationale et culturelle. Ils y jouiront de la pleine égalité des droits et de leurs convictions religieuses et politiques, ainsi que de leur dignité humaine. Ils y seront protégés par un régime parlementaire et démocratique fondé sur les principes de la liberté d’opinion, la liberté de constituer des partis, la prise en considération par la majorité des droits de la minorité et le respect par la minorité des décisions de la majorité, la justice sociale, l’égalité et l’absence de toute discrimination dans les libertés publiques sur la base de la race, de la religion, de la couleur, ou entre la femme et l’homme, à l’ombre d’une Constitution qui assure la primauté de la loi et l’indépendance de la justice, en totale fidélité à l’héritage spirituel de la Palestine, patrimoine fait de tolérance et de cohabitation entre les religions à travers les siècles.
l’État de Palestine est un État arabe, son peuple fait partie intégrante de la nation arabe, de son patrimoine, de sa civilisation et de ses aspirations au progrès social, à l’unité et à la libération. Il se réclame de la Charte de la Ligue des États arabes, de la Charte de l’ONU, de la Déclaration universelle des droits de l’homme et des principes du non-alignement…
Cet État est épris de paix et attaché aux principes de la coexistence pacifique ; il œuvrera de concert avec tous les États et tous les peuples pour instaurer une paix permanente basée sur la justice et le respect des droits.
Cet État croit à la résolution des conflits régionaux et internationaux par des moyens pacifiques, en application de la Charte des Nations unies et de leurs résolutions. Il rejette la menace de l’usage de la violence, de la force et du terrorisme, leur utilisation contre la sécurité de son propre territoire ou contre son indépendance politique, ou contre l’intégrité territoriale de tout autre État, sans porter atteinte à son droit naturel à défendre son territoire et son indépendance. Cet État croit que l’avenir ne réserve que la sécurité à ceux qui auront agi justement ou auront aspiré à la justice.
Notre Conseil national a également affirmé la nécessité du retrait d’Israël de tous les territoires palestiniens et arabes qu’il a occupés en 1967, y compris la Jérusalem arabe, l’établissement de l’État palestinien et l’abolition de toutes les mesures de rattachement et d’annexion, ainsi que le démantèlement des colonies édifiées par Israël dans les territoires palestiniens et arabes depuis 1967. Toutes ces exigences ont été formulées par les sommets arabes, et particulièrement par les sommets arabes de Fès et d’Alger.
Notre Conseil national a affirmé la nécessité d’œuvrer pour placer les territoires palestiniens occupés, y compris la Jérusalem arabe, sous la tutelle des Nations unies pour une période limitée.
Je tiens à souligner ici que ces décisions, ainsi qu’il ressort clairement de leur contenu et de leur formulation, reflètent la fermeté de notre foi dans la paix et la liberté, ainsi que notre profonde conscience du climat de détente internationale, et de l’attachement de la communauté internationale à des solutions équilibrées qui répondent aux aspirations et aux intérêts fondamentaux des parties en conflit. Ces décisions reflètent également le degré de sérieux de la position palestinienne au sujet de la paix, son attachement à la paix et la nécessité de la garantir et de la préserver par le biais du Conseil de sécurité, et sous l’égide des Nations unies.
Ces résolutions apportent une réponse claire et ferme à tous les alibis et prétextes colportés par certains États au sujet de la position et de la politique de l’Organisation de libération de la Palestine. Alors que notre peuple, par son soulèvement comme par l’intermédiaire de ses représentants au Conseil national, votait pour la paix, confirmant son accord avec la tendance dominante elle-même consolidée par la détente nouvelle dans les relations internationales, propice à la solution des conflits régionaux et mondiaux par des moyens pacifiques, le gouvernement israélien, pour sa part, alimente les tendances agressives et expansionnistes ainsi que le fanatisme religieux, confirmant son obstination à choisir l’agression et à nier les droits de notre peuple.
La partie palestinienne a formulé de son côté des positions politiques claires et responsables, conformes à la volonté de la communauté internationale pour aider à la tenue et à la réussite des travaux de la Conférence internationale de paix.
L’appui international, courageux et bienvenu, à la reconnaissance de l’État Palestine est la preuve éclatante de la justesse de la voie que nous avons choisie, de la crédibilité de nos résolutions et de leur conformité avec la volonté et l’amour de la paix qui animent la communauté internationale.
En dépit de notre grande estime pour ces voix américaines libres qui ont pris l’initiative d’expliquer et de justifier notre position et nos résolutions, l’administration américaine se refuse toujours à appliquer des critères uniques à toutes les parties en conflit et continue à nous imposer — et à nous seuls — l’acceptation de positions qui ne sauraient être tranchées avant la négociation et le dialogue dans le cadre de la Conférence internationale.
Je tiens ici à rappeler que reconnaître aux deux parties en conflit l’égalité des droits sur la base de la réciprocité constitue la seule approche qui réponde aux diverses interrogations, d’où qu’elles viennent. Et si les politiques pratiquées sur le terrain reflètent les intentions de ceux qui les conduisent, la partie palestinienne a plus de raisons de s’inquiéter et de s’interroger au sujet de son propre sort et sur son avenir face à un État d’Israël bardé des armes les plus modernes, y compris des armes nucléaires.
Notre Conseil national a renouvelé son engagement vis-à-vis des résolutions des Nations unies qui affirment le droit des peuples à résister à l’occupation étrangère, à la colonisation et à la discrimination raciale ainsi que leur droit à lutter pour l’indépendance. Il a également renouvelé son refus du terrorisme sous toutes ses formes, y compris le terrorisme d’État. Cette position est claire et sans équivoque. En dépit de cela, je réaffirme ici une fois encore, en ma qualité de président de l’OLP, que je condamne le terrorisme sous toutes ses formes.
Je salue tous ceux que je vois face à moi dans cette salle, qui ont un jour été accusés d’être des terroristes par leurs bourreaux et leurs colonisateurs au cours des combats menés dans leurs pays pour les libérer du joug de la colonisation. Ce sont aujourd’hui des dirigeants investis de la confiance de leurs peuples et de fidèles et sincères partisans des principes et des valeurs de la justice et de la liberté.
J’affirme que nous sommes un peuple qui aspire à la paix, comme tous les peuples de la terre, peut-être avec un peu plus d’ardeur, étant donné la longueur de cette épreuve tout au long de ces années et la dureté de la vie que mènent notre peuple et nos enfants, qui ne peuvent jouir d’une vie normale, à l’abri des guerres, des mal¬heurs, de la souffrance et de l’exil, de la dispersion et des difficultés de la vie quotidienne.
Que s’élèvent des voix pour soutenir le rameau d’olivier, pour appuyer la pratique de la coexistence pacifique et pour renforcer le climat de détente internationale. Joignons nos mains et nos efforts pour ne pas laisser passer une occasion historique, qui pourrait ne pas se représenter, de mettre fin à un drame qui n’a que trop duré et qui a coûté le sacrifice de milliers de vies et la destruction de centaines de villages et de villes.
Et si nous tendons la main vers le rameau d’olivier, le rameau de la paix, c’est parce que celui-ci se répand dans nos cœurs à partir de l’arbre de la patrie et de la liberté.
Je suis venu à vous au nom de notre peuple, la main ouverte, pour que nous œuvrions à instaurer une paix véritable, une paix bâtie sur la justice. Sur cette base, je demande aux dirigeants d’Israël de venir ici, sous l’égide de l’Organisation des Nations unies, pour que nous accomplissions cette paix. Et je leur dis, tout comme je vous le dis : notre peuple désire la dignité, la liberté et la paix. Il désire la sécurité pour son État tout comme il la désire pour tous les États et parties du conflit arabo-israélien.
Je m’adresse ici tout particulièrement aux Israéliens de toutes les catégories, de tous les courants et de tous les milieux et, avant tout, aux forces de la démocratie et de la paix, et je leur dis : Venez ! Loin de la peur et de la menace, réalisons la paix, loin du spectre des guerres ininterrompues depuis quarante ans dans le brasier de ce conflit, loin de la menace de nouvelles guerres, qui n’auraient d’autre combustible que nos enfants et vos enfants, venez, faisons la paix, la paix des braves, loin de l’arrogance de la force et des armes de la destruction, loin de l’occupation, de la tyrannie, de l’humiliation, de la tuerie et de la torture.
Je dis : « Ô gens du Livre, retrouvez-vous en une seule parole », pour que nous établissions la paix sur la terre de la paix, la terre de Palestine.
« Gloire à Dieu au plus haut des Cieux et Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ! »
Mon Dieu, Tu es la Paix. La Paix vient de Toi. La Paix aboutit à Toi. Seigneur, fais-nous vivre dans la paix et accéder au Paradis, ta demeure, la demeure de la Paix.
Je vous remercie et vous salue, avec la miséricorde de Dieu, et ses bénédictions.
Enfin, je dis à notre peuple : l’aube, inéluctablement, vient, et la victoire elle aussi est déjà en chemin. Je vois la patrie dans vos pierres sacrées ; je vois le drapeau de notre État palestinien indépendant flotter sur les hauteurs de la patrie bien-aimée.