Abbé Pierre
Introduction:
Henri Grouès, dit l’abbé Pierre (1912-2007), prêtre catholique, s’est engagé dans la Résistance avant d’être élu député du Mouvement républicain populaire (MRP) aux Assemblées nationales constituantes de 1945 et 1946puis à l’Assemblée nationale de 1946 à 1950. De 1950 à 1951, il préféré rejoindre les rangs de la Ligue de la jeune République, un mouvement de chrétiens de gauche, proche du socialisme.
Mais c’est en marge de son action politique que l’abbé Pierre va tenter d’influer sur les conditions de vie des plus pauvres, tandis que la France se reconstruit. Il fonde en 1949 le mouvement Emmaüs, centré autour de communautés qui construisent pour eux ces logements si nécessaires dans l’après-guerre. Ces communautés reçoivent des dons mais ont aussi vocation à s’autofinancer grâce à la revente d’objets de récupération, d’où le terme de chiffonniers qui leur est rapidement accolé.
N’hésitant pas à utiliser les médias modernes, l’abbé Pierre participe en 1952 au jeu « Quitte ou double », sur Radio Monte-Carlo, pour gagner de quoi financer les communautés qui se créent. Mais c’est en 1954 qu’il devient célèbre en lançant, pour aider les sans-abri qui risquent de mourir de froid tant les conditions climatiques sont rigoureuses cet hiver-là, un appel à la solidarité française sur Radio-Luxembourg.
Cet appel sera un immense succès. Il rapporte d’une part la somme stupéfiante de cinq cents millions de francs en numéraire, et, d’autre part, des dons en nature d’un tel volume que l’on est obligé de les stocker dans des dépôts. L’élan était donné, et de nombreux bénévoles se présentent pour aider le mouvement.
L’abbé Pierre structure alors les Compagnons d’Emmaüs, lieux d’accueil pour les sans-abri, mais, surtout, lieu où l’on veille à leur permettre de retrouver leur dignité en leur trouvant un travail. Les chiffonniers d’Emmaüs existent encore, perpétuant l’idéal d’entraide de leur fondateur qui, sondage après sondage, est resté jusqu’à sa mort l’une des personnalités préférées des Français.
Discours de Abbé Pierre:
APPEL DE L’HIVER 1954:
Mes amis, au secours… Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant-hier, on l’avait expulsée… Chaque nuit, ils sont plus de deux mille recroquevillés sous le gel, sans toit, sans pain, plus d’un presque nu. Devant l’horreur, les cités d’urgence, ce n’est même plus assez urgent !
Écoutez-moi : en trois heures, deux premiers centres de dépannage viennent de se créer : l’un sous la tente au pied du Panthéon, rue de la Montagne-Sainte- Geneviève ; l’autre à Courbevoie. Ils regorgent déjà, il faut en ouvrir partout. Il faut que ce soir même, dans toutes les villes de France, dans chaque quartier de Paris, des pancartes s’accrochent sous une lumière dans la nuit,
à la porte de lieux où il y ait couvertures, paille, soupe, et où l’on lise sous ce titre « Centre fraternel de dépannage », ces simples mots : « Toi qui souffres, qui que tu sois, entre, dors, mange, reprends espoir, ici on t’aime. » La météo annonce un mois de gelées terribles. Tant que dure l’hiver, que ces centres subsistent, devant leurs frères mourant de misère, une seule opinion doit exister entre hommes : la volonté de rendre impossible que cela dure. Je vous prie, aimons-nous assez tout de suite pour faire cela. Que tant de douleur nous ait rendu cette chose merveilleuse : l’âme commune de la France. Merci ! Chacun de nous peut venir en aide aux « sans-abri ». Il nous faut pour ce soir, et au plus tard pour demain : cinq mille couvertures, trois cents grandes tentes américaines, deux cents poêles catalytiques.
Déposez-les vite à l’hôtel Rochester, 92, rue de La Boétie. Rendez-vous des volontaires et des camions pour le ramassage, ce soir à 23 heures, devant la tente de la montagne Sainte-Geneviève. Grâce à vous, aucun homme, aucun gosse ne couchera ce soir sur l’asphalte ou sur les quais de Paris.
Vidéo : Abbé Pierre
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : Abbé Pierre