Le désir : Rien de grand ne s'est accompli dans le monde sans passion
Hegel est demeuré célèbre pour sa philosophie de l’Histoire. Le destin du monde est, selon lui, la réalisation progressive d’une rationalité difficile à déceler à l’œil nu, œuvrant en profondeur, de façon irréversible. Et au sein des vastes processus historiques, la passion, dont on souligne pourtant souvent le caractère capricieux et déraisonnable, joue un rôle clé. De quelle manière ?
Hegel recourt au terme de « passion » lorsqu’un individu concentre toute son énergie, toutes les fibres de son être, au service d’un but unique, lui sacrifiant tout le reste. Or, cet élan qui décuple les forces de l’individu fournit l’enthousiasme nécessaire aux grands projets, aux entreprises dangereuses ou démesurées. Deux perspectives s’opposent alors : lorsqu’on observe les hommes de près, on n’aperçoit que des individus animés de passions personnelles ; mais en prenant du recul, on découvre que ces intérêts individuels sont la force même grâce à laquelle des mutations historiques s’accomplissent.
Un grand conquérant comme César illustre ce paradoxe. Loin d’être un individu sobre ou modéré, il lutta passionnément pour être le seul maître à Rome, et se projeta sur cet objectif au détriment de tout autre. Mais son ambition égoïste fut précisément la cause de ce qui étendit la souveraineté de Rome bien au-delà de ses frontières de l’époque, créant une puissance politique qui allait devenir le centre de l’histoire universelle.