Vérité et connaissance : Nous devons demeurer sans opinion , sans inclination , sans agitation
On sait peu de chose de Pyrrhon d’Élis, sinon qu’il est tenu depuis longtemps pour l’inspirateur du scepticisme. Il s’interrogeait sans cesse : les choses sont-elles en réalité telles qu’elles nous semblent ? Nous constatons qu’elles apparaissent différemment selon l’espèce à laquelle nous appartenons (les animaux n’ont pas les mêmes sensations), mais aussi selon notre tempérament (les hommes n’éprouvent pas tous du plaisir dans des activités identiques), notre état du moment (nous ne percevons pas les mêmes choses selon que nous sommes joyeux ou tristes) ou encore notre culture (nos croyances varient selon notre éducation). Cela fait beaucoup ! Comment, dès lors, décider qui a raison, au nom de quoi et à quel moment ?
Les sceptiques anciens ou « pyrrhoniens » en déduisaient, à la suite de leur maître, que c’était impossible. Et que cette incertitude devait nous contraindre à la seule position honnête qui soit : l’abstention du jugement. Acceptons ce que nous sentons, disaient-ils, puisque nous ne pouvons rien changer au fait que les choses nous paraissent ainsi. Mais n’affirmons ni ne nions quoi que ce soit, car nous sommes incapables de nous prononcer sur la réalité.
D’où, chez ces sceptiques, une attitude de vie qui refusait toute vérité dogmatique, ainsi que l’agitation particulière propre à celui qui prend parti. Ce « doute suspensif », ce désengagement, leur semblait tout simplement être le meilleur gage de la tranquillité d’esprit.