La science : La nature , nous l'expliquons ; La vie de l'âme , nous la comprenons
Wilhelm Dilthey s’est intéressé tout au long de sa carrière aux rapports entre sciences humaines (psychologie, sociologie, histoire…) et sciences de la nature (physique, chimie, biologie…). Faut-il considérer les premières comme des disciplines qui tentent de se hisser au niveau de rigueur des secondes, avec plus ou moins de succès ?
Loin s’en faut. Aux yeux de Dilthey, les sciences humaines doivent disposer d’une démarche appropriée à leur objet, l’esprit humain, et non importer passivement les méthodes des sciences de la nature. Il ne convient pas de forcer l’homme à entrer dans un cadre qui ne lui a pas été destiné. Les sciences de la nature ont en effet pour objet des phénomènes que l’on peut décrire et expliquer « de l’extérieur », objectivement. Les sciences humaines, en revanche, nous mettent aux prises avec les productions d’autres esprits que nous ne pouvons interpréter qu’en puisant dans notre propre subjectivité. Chez Dilthey,cela s’appelle « comprendre » : se représenter l’intériorité d’un autre être humain, à l’aide de signes extérieurs comme son comportement ou ses œuvres. Et c’est ce recours à l’empathie qui fait justement la spécificité des sciences humaines, ou « sciences de l’esprit ».
Par exemple, pour comprendre pourquoi Brutus a tué César, un historien devra sans doute tenter de se mettre à la place de Brutus, de se projeter en lui. Tandis que pour analyser une substance chimique, il va de soi que le chimiste n’aura pas besoin de s’identifier à elle. À l’exception, peut-être, de quelques illuminés.