Le temps et l'histoire : Les vivants sont gouvernés nécessairement par les morts : telle est le loi fondamentale du genre humain
L’ambition d’Auguste Comte est de réunir une conception rigoureusement scientifique du monde et une religion nouvelle fondée sur l’immortalité. Or, comment concevoir l’immortalité dans un monde sans Dieu ?
Pour Comte, chaque époque hérite des traditions des siècles qui la précèdent et contribue aux progrès de ceux qui la prolongent. Un peu comme si la succession des générations formait un seul et même Être en perpétuel apprentissage. N’importe quel individu est ainsi relié à toute l’espèce humaine passée, présente et future, en une sorte d’immense
chaîne dans laquelle il s’inscrit. D’ailleurs, affirme Comte, si chaque homme s’interrogeait sur ce qu’il doit aux autres, il reconnaîtrait le lien profond qui l’unit à ses prédécesseurs plus qu’à ses contemporains. Nous sommes donc tous, que nous le sachions ou non, inspirés par ces morts dont les idées, les œuvres et les sentiments subsistent à travers nous. Telle est la forme d’immortalité subjective que Comte décèle au cœur de l’espèce humaine.
Ce sentiment de solidarité historique fonde une véritable religion sans Dieu et rend possible une foi dans le « Grand Être » qu’est l’humanité. Afin d’en organiser le culte public, Comte propose un calendrier qui rassemble les défunts « inoubliables », c’est-à-dire ceux qui contribuèrent le plus dignement au progrès humain. Chaque jour de ce calendrier est consacré non à un saint, mais à un personnage historique illustre, de Mahomet à Shakespeare en passant par Charlemagne et Gutenberg.