L'État : L'homme est un loup pour l'homme
Les membres de l’espèce humaine détiennent le triste privilège d’être les seuls qui s’entre-détruisent en déployant de multiples formes de cruauté. Là où les animaux se battent pour de la nourriture ou un territoire, les hommes s’affrontent pour les motifs les plus futiles et sont capables d’organiser rationnellement l’extermination d’une partie des leurs. Ainsi, ce n’est pas rendre hommage aux loups que de les comparer à la férocité de l’homme, car les animaux ne sont pas si bêtes que cela…
Faut-il en conclure que l’espèce humaine serait mue par une méchanceté naturelle, indéfectible au point que nous serions tous les ennemis les uns des autres ? La formule du philosophe anglais, écrite dans un contexte de guerre civile et de violences religieuses, vise pourtant moins à condamner la nature humaine qu’à déplorer l’absence d’un État suffisamment fort pour endiguer les conflits. En effet, sans loi qui limite les droits et les devoirs, les hommes vivent dans un contexte de crainte permanente où chacun est une menace potentielle. Dans cet « état de nature », contraints de se protéger par leurs propres moyens, ils ne peuvent qu’employer la ruse ou la violence. Et s’il est vrai que la meilleure défense est dans l’attaque, il convient pour chacun de neutraliser l’autre en le dominant.
C’est donc par souci de sécurité, et non par cruauté, que les hommes s’affrontent comme des animaux. La violence humaine n’est pas, pour Hobbes, la sommaire expression d’un instinct d’agressivité, mais plutôt l’ultime recours d’individus qui ne peuvent compter que sur eux- mêmes.