il ne faut pas se contenter de dire : des têtes vont tomber… Il faut dire lesquelles et rapidement
Auteur : Paul Quilès , en 1981
Explication
Cinq mois après l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République, le Parti socialiste tient congrès à Valence du 23 au 25 octobre 1981. Une banderole est déployée dans la salle des orateurs :
« Avec les socialistes, réussir le changement ». C’est en effet la première fois que la gauche accède au pouvoir sous la Ve République. Ce congrès restera comme celui des « coupeurs de têtes ».
Le premier jour, le jeune député Paul Quilès prononce un discours enflammé : « Personne ne nous saurait gré de laisser en place tous les hauts responsables de l’économie ou de l’administration, qui sont nos adversaires. Souvenons-nous qu’en politique, faire un cadeau de ce genre, c’est se condamner soi-même. Mais il ne faut pas non plus se contenter de dire de façon évasive, comme Robespierre à la Convention le 17 thermidor 1794 : “Des têtes vont tomber”… Il faut dire lesquelles et le dire rapidement ! » Paul Quilès, tout occupé à réclamer des têtes, a cité la date erronée du 17 Thermidor. Robespierre a en fait prononcé son discours le 8 Thermidor. Le député de Paris rappelle ainsi que l’incorruptible avait fait ce jour-là un discours menaçant contre les « traîtres » et les «fripons» de l’assemblée. Mais Robespierre n’avait dénoncé personne en particulier, laissant planer la menace sur l’ensemble des députés. Cette erreur avait été exploitée dès le lendemain par ses ennemis, qui l’avaient arrêté puis envoyé à l’échafaud le surlendemain.
L’exhortation de Quilès suscite l’indignation à droite et la gêne au gouvernement. Le ministre de l’intérieur Gaston Defferre précise aussitôt : « Notre juge à tous, c’est le peuple. Nous sommes condamnés à être solidaires, camarades.» Paul Quilès gagne pour longtemps le surnom de «Robespaul». Mais celui qui voulait couper des têtes se révélera plus tard un ministre assez modéré, tant à la Défense qu’à l’intérieur et à la Sécurité publique.