Je suis responsable mais pas coupable
Auteur : Georgina Dufoix , en 1991
Explication
Entre 1982 et 1985, plus de 6 000 Français hémophiles et transfusés sont contaminés par le virus du sida contenu dans des produits sanguins. Pendant des années, la justice rechercha les responsabilités de chacun dans une affaire complexe qui mêlait négligence, incompétence, souci d’économie budgétaire, recherche scientifique et «guerre des tests» entre laboratoires américain et français.
Le 4 novembre 1991, Georgina Dufoix, ancienne ministre des Affaires sociales et porte-parole du gouvernement Fabius (1984-1986), estime sur TFi : «Je me sens profondément responsable; pour autant, je ne me sens pas coupable, parce que vraiment, à l’époque, on a pris des décisions dans un certain contexte, qui étaient pour nous des décisions qui nous paraissaient justes. » Cette défense suscite l’indignation des victimes et de l’opinion.
Pourtant, elle exprime une logique que la Justice a confirmée. Plus de 570 hémophiles ou ayant droit ont été indemnisés dans des procédures civiles. Le retard des dépistages des produits et donc la responsabilité des pouvoirs publics ont été établis. En revanche, au pénal, on ne cherche pas le responsable d’une faute, mais le coupable d’un crime ou d’un délit. La Cour de cassation a estimé dans une décision de 1998 que «l’empoisonnement suppose l’intention de tuer», ce qui atténue la culpabilité pénale des responsables civils.
En 1999, on organisa le procès de trois anciens ministres pour « atteinte involontaire à la vie ou à l’intégrité physique des personnes » devant la Cour de justice de la République : Edmond Hervé (secrétaire d’État à la Santé) est condamné avec dispense de peine pour ne pas avoir ordonné à temps le dépistage et la destruction de stocks sanguins litigieux ; ses supérieurs, Laurent Fabius et Georgina Dufoix, sont relaxés. Poursuivie par le raccourci « responsable mais pas coupable », l’ancienne ministre a finalement abandonné la vie politique en 1993.