La justice et le droit : Ce sont les faibles , la masse des gens , qui établissent les lois en fonction de leur intérêt propre
Cette accusation n’exprime pas la pensée de Platon mais celle d’un personnage qu’il met en scène, le sophiste Calliclès. Le jugement de celui-ci est surprenant car nous sommes plutôt enclins à suspecter que les lois sont destinées à servir les puissants. Tout au contraire, s’indigne Cailiclès, elles sont essentiellement conçues par et pour les « faibles » !
Aux yeux de Cailiclès, les lois sont arbitraires parce qu’elles ne respectent pas la nature. Dans le cadre de celle-ci, seuls les « forts » sont aptes à gouverner, en raison de leur suprématie innée. Par « force », il n’entend pas seulement la puissance physique, mais aussi le courage de celui qui peut assouvir la démesure de ses désirs. Il y a en effet pour Cailiclès une aristocratie naturelle, constituée d’êtres supérieurs capables d’assumer la violence et Pégoïsme de leurs passions. De ce point de vue, l’injustice et le mensonge sont évidemment moins des vices que des vertus. Mais face à cette minorité de forts, la masse des faibles recourt à l’arme des lois : elle inverse les valeurs en consacrant des principes d’égalité et de modération. Les lois ne sont donc pas légitimes car elles sont contre nature ; elles ne constitueraient en réalité rien d’autre que des règles inventées par les faibles pour garantir leur intérêt et ligoter les forts.
On voit que la démocratie a dû, dès son origine au sein de la cité athénienne, affronter de farouches détracteurs : en opposant la nature et la loi, Cailiclès n’hésite pas à mettre en cause le principe de ce régime politique qui illustre, selon lui, le triomphe de la médiocrité d’une masse incapable d’accepter son infériorité.