La liberté : Ils conçoivent l'homme dans la nature comme un empire dans un empire
Ce reproche s’adresse à ceux qui s’affligent du spectacle des vices en y voyant l’effet de libres décisions. Coupable de s’abandonner à la tentation, l’humanité révélerait sa capacité à faire le mal. Or, une telle condamnation est-elle légitime ?
Cette accusation présuppose une conception de l’homme doté du libre arbitre, capable de maîtriser ses désirs, tandis que les animaux seraient soumis au déterminisme de leurs pulsions. L’homme constituerait alors une exception, en exerçant sur lui-même un règne soustrait au grand empire de la Nature. Pourtant, constate Spinoza, comme être vivant il ne peut être qu’une partie du monde et rien n’autorise à penser qu’il déroge aux lois naturelles. La conscience de sa liberté n’est qu’un leurre : de la même manière qu’une pierre pourrait se croire libre parce qu’elle tombe sans obstacle dans le vide – alors qu’elle y est déterminée par la loi de la chute des corps -, l’homme s’imagine décider de ses actes en ignorant les processus qui ont motivé ses choix.
Il revient au philosophe, affranchi de cette illusion, de réinscrire l’homme dans le déterminisme de la Nature. En adoptant une perspective plus large, les passions n’apparaissent plus comme le signe d’une méchanceté coupable, mais comme le résultat de mécanismes affectifs qu’il faut réorienter. Dès lors, il est moins question d’une liberté absolue que d’une libération progressive soutenue par la raison.