La liberté : L'homme est condamné à être libre
Drôle d’idée que d’associer la liberté à une condamnation. Si être libre consiste à pouvoir agir par sa seule volonté, comment peut-on y être contraint ? Par ce paradoxe, Sartre révèle l’étrange statut d’une liberté que nous n’avons ni voulue, ni décidée et qui pourtant nous contraint à choisir.
Pour le penseur existentialiste, l’existence est une suite de choix qui dessinent notre être. Ainsi le soldat ne naît ni lâche ni héros ; il le deviendra sur le champ de bataille au moment où il lui faudra se battre. Cette responsabilité absolue vis-à-vis de soi ôte, par avance, toute exonération et pèse comme une lourde charge : refuser de choisir, ce serait encore choisir. Il n’est donc pas surprenant que la conscience d’une telle liberté s’éprouve comme angoisse devant l’avenir et ses possibilités. Certes, le discours de la mauvaise foi apaise nos craintes : en accusant le destin, les autres ou encore la nature humaine, nous espérons nous disculper pour nous dérober à nos responsabilités. Mais, aux yeux de Sartre, dans un monde sans dieu ni valeurs absolues auxquelles se raccrocher, l’homme est sans excuses : il doit assumer chacun de ses actes et même la totalité de l’Histoire.
Écrite en 1945, cette formule revendique avec force l’exigence de la responsabilité face à une France avide d’effacer les sombres heures de la Collaboration. Le titre de l’ouvrage, L’Existentialisme est un humanisme, indique néanmoins qu’il n’y a là nul pessimisme quant à la condition humaine, mais à l’inverse un immense espoir : l’homme est l’avenir de l’homme et, par ses actes, il décide de ce que sera l’humanité.