La liberté : L'homme est né libre et partout il est dans les fers
Terrible constat que cette formule inaugurale du Contrat social (1762) : si la liberté est un droit naturel et inaliénable, la réalité donne pourtant à voir les hommes pris dans les fers de la servitude. Ou’il s’agisse de l’esclavage, en pleine expansion au XVIIIe siècle, ou des systèmes politiques assis sur la domination de la force, l’asservissement semble être la loi de la condition humaine.
Toutefois, Rousseau ne se contente pas de dénoncer cette injustice et la précision de sa formulation, d’une redoutable lucidité, invite à décrypter le mécanisme de la sujétion. En effet, on s’attend à lire que « l’homme est né libre mais partout il est dans les fers », tant la liberté et l’esclavage se contredisent. Or, l’auteur choisit d’écrire « et », insistant
sur la continuité logique entre ces deux états. Car si les hommes sont tous également libres, sans frein à leurs appétits, ils entrent naturellement en conflit, dont l’issue est décidée par la victoire du plus fort. La soumission des plus faibles est alors inéluctable, et les hommes sont finalement esclaves les uns des autres. C’est donc le désordre introduit par l’indépendance absolue qui aboutit à l’esclavage tant décrié : trop de liberté tue la liberté…
L’œuvre de Rousseau est traversée par le souci de défendre cette liberté en laquelle il voit la plus haute valeur humaine. Dans ce but, il n’invite pas au refus de toute forme d’autorité, mais fait à l’inverse sentir l’exigence de l’institution d’un État capable de protéger les droits de chacun.