La religion : Dieu est mort ! Et c'est nous qui l'avons tué !
La proclamation de Nietzsche retentit encore comme un cri d’une singulière violence. Mais pour un penseur qui n’a cessé de considérer l’homme comme un « fabricateur » d’idoles et de dieux fictifs, le sens d’une telle révélation peut sembler énigmatique. Comment tuer ce qui n’a jamais existé ?
C’est que la « mort de Dieu » symbolise, aux yeux du philosophe, moins le déclin des croyances religieuses que l’essor du nihilisme dont il est le contemporain. La morale lui semble en train de perdre ses fondements traditionnels et les hommes paraissent désorientés par la perspective de la destruction des valeurs. Or, pour Nietzsche, loin d’être une cause de désespoir, cette révélation fait partie du « gai savoir » qu’il préconise. La chute de l’idole suprême ne nous achemine pas vers le néant. Elle laisse plutôt espérer la fin de siècles de tourments psychiques imposés
par le christianisme et la disparition des représentations de l’homme viciées par le monothéisme. En nous débarrassant des faux « au-delà » et des culpabilités illusoires, la chute du vieux dieu permet enfin d’inventer de nouvelles échelles de valeurs et de libérer les véritables potentialité humaines, en particulier artistiques.
L’avenir est ainsi radicalement ouvert, et un océan de virtualités s’offre à l’homme, délesté de la plus encombrante de ses fictions. On aura compris que l’événement de ce décès symbolique est pour Nietzsche à la fois décisif et profondément excitant.