La technique et l'action : L'homme est le plus intelligent des animaux parce qu'il a des mains
Qu’a donc voulu dire Anaxagore, philosophe du Ve siècle avant notre ère, dont le propos nous est brièvement rapporté par Aristote ? En quoi l’intelligence humaine dépendrait-elle de nos mains ?
Songeons aux animaux. Pour survivre, ils disposent de leur organisme, qui est déjà adapté aux conditions naturelles : griffes, sabots, carapace, crocs, fourrure, etc. Mais l’homme fait exception car il semble dénué de telles qualités et doit par conséquent se montrer capable d’adapter la nature à ses besoins en fabriquant des artifices. Il façonne ainsi lames, lances ou flèches, aussi bien que vêtements, armures et chaussures. Tout cela grâce à ses mains, qui prennent, tiennent, manipulent et transforment. Au point que les premiers outils imitent souvent la forme et les fonctions de cet organe fondamental (pensons à la pince, à l’hameçon, au marteau…). Anaxagore s’inspire d’une idée présente dans la mythologie grecque : la naissance de l’humanité y est associée à Prométhée, qui déroba le feu aux dieux pour l’offrir à l’homme. C’est donc l’élaboration des techniques (symbolisées ici par le feu) qui distinguerait l’être humain des animaux. Et sa force tiendrait finalement moins à son intelligence théorique qu’à son intelligence pratique ; autrement dit, moins à son savoir qu’à ses savoir-faire.
Le penseur antique délivre ici une leçon stimulante : nous qui sommes habitués à associer l’excellence aux activités purement intellectuelles, ne finissons-nous pas par oublier que la créativité humaine est indissociable de nos mains ?