L'État : Il faut que , par la disposition des choses , le pouvoir arrête le pouvoir
Montesquieu, éminent représentant des Lumières, n’a cessé de dénoncer l’absolutisme royal de son temps. Mais sa connaissance érudite de l’histoire lui fait suspecter que, quel que soit le régime en place, la possession même du pouvoir est périlleuse. Car « c’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites ». Comment définir ces limites ?
Si l’on veut déjouer la tendance absolutiste d’un gouvernement, il faut en prévenir tout monopole, c’est-à-dire diviser et distribuer les trois pouvoirs fondamentaux : le législatif, l’exécutif et le judiciaire. Une fois chacun de ces pouvoirs doté d’une puissance propre, ils sont à même de s’équilibrer mutuellement en neutralisant toute tentative d’abus. Cette séparation rend donc possible une vigilance réciproque et garantit le juste exercice d’un pouvoir modéré. Par exemple, la justice doit être indépendante : le juge applique la loi décidée par le corps législatif- ce qui l’empêche de régler les litiges selon son arbitraire – et délègue son exécution. De même, les membres du législatif et de l’exécutif ne sauraient être au-dessus des lois et peuvent, le cas échéant, se voir sanctionnés par la justice. Parce que chaque instance agit sous la surveillance d’une autre, le risque d’abus de pouvoir se voit alors réduit par la constitution même de l’État.
Notons que ce principe, formulé et espéré par le philosophe, demeure aujourd’hui inscrit dans la constitution de la Cinquième République. De quoi démentir les détracteurs des philosophes qui ne voient en eux que des doux rêveurs.