Nature et culture : L'homme est la mesure de toutes choses
Protagoras est un philosophe très ancien, antérieur à Socrate. Il ne subsiste de sa pensée que quelques fragments, dont cette phrase mystérieuse qui a suscité de nombreuses interprétations.
Il peut sembler que Protagoras ait voulu faire de la subjectivité humaine le critère de toute valeur : du vrai et du faux, du bien et du mal, du juste et de l’injuste, selon l’opinion de chacun. Mais il est impossible qu’un tel relativisme ait été érigé en doctrine. En effet, cela reviendrait à proclamer que n’importe quelle position est vraie, que toute chose et son contraire sont également acceptables. Suivant ce principe, on pourrait tout aussi bien affirmer le contraire de notre citation, à savoir que l’homme n’est pas la mesure de toutes choses ! Une telle interprétation nous conduirait ainsi rapidement à une insurmontable contradiction. Mais alors,que voulait dire Protagoras ? Plus vraisemblablement, que ce sont les conventions humaines et non la nature elle-même qui définissent nos valeurs. Les sociétés établissent en effet les normes de leur vie commune, de leur langage et de leurs pratiques. Pour déterminer le genre des mots (féminin ou masculin), par exemple, nous recourons moins à la nature qu’à la convention et l’usage.
Protagoras n’est donc sans doute pas le sceptique radical que l’on pourrait croire. Reconnaître que les valeurs sont le produit de décisions humaines n’implique pas qu’elles soient foncièrement arbitraires. Elles sont variables, certes, mais davantage selon les sociétés que selon les individus, et reconnaître leur diversité ne remet pas en cause leur sens.