Vérité et connaissance : Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée
L’affirmation inaugurale du Discours de la méthode, rédigé de manière inédite en français (1635), semble flatter le lecteur en reconnaissant à chacun la possession égale de la raison : nul ne peut se prévaloir d’une intelligence supérieure, pas plus une élite intellectuelle que l’autorité de la tradition philosophique.
Toutefois, la satisfaction est de courte durée, car Descartes précise immédiatement que « ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon mais le principal est de l’appliquer bien ». La possession du bon sens, ou faculté de juger, ne saurait se contenter d’elle-même. À l’inverse, une telle suffisance la conduirait à se fourvoyer dans la facilité du préjugé, ou à être trompée par les charmes du vraisemblable. C’est pourquoi l’ouvrage, en retraçant l’itinéraire intellectuel de son auteur, est autant le récit de ses erreurs que l’exposé du chemin pour s’assurer du vrai. Chacune des règles que Descartes y propose définit simultanément une recommandation et un danger à éviter. Simples et efficaces, elles sont destinées à guider notre raison grâce au modèle mathématique fondé sur des idées parfaitement claires et distinctes.
Le droit de penser par soi-même ne permet donc pas de légitimer toutes les opinions. La formule de Descartes doit essentiellement s’entendre comme une mise en garde destinée à tous ceux qui s’engagent à rechercher la vérité. Car il serait bien présomptueux de croire qu’émettre un avis, même fondé sur le « bon sens », suffit à le justifier !