J'accuse…
Explication
En 1894, le capitaine Alfred Dreyfus, Juif alsacien, est condamné pour trahison au profit de l’Allemagne et envoyé au bagne de Guyane. Seuls quelques « dreyfusistes » (brocardés par leurs adversaires comme «dreyfusards») clament son innocence, accusant l’état-major d’avoir choisi un coupable idéal, c’est-à-dire juif, donc apatride, et originaire d’Alsace, une province annexée par le Reich après la défaite de 1870.
En 1898, Émile Zola est un écrivain célèbre dans toute l’Europe qui a publié la grande série romanesque des Rougon-Macquart. Estimant qu’il doit mettre en pratique ses idéaux de justice, il prend fait et cause pour Dreyfus. Le 13 janvier, il publie dans le quotidien L’Aurore une longue « Lettre à M. Félix Faure, président de la République », qui couvre toute la première page et une partie de la deuxième. Il y accuse nommément des généraux, des magistrats et des hommes politiques de camoufler une erreur judiciaire. Comme chaque paragraphe commence par « J’accuse », le directeur politique du journal, Georges Clemenceau, titre au dernier moment cette lettre par un énorme «J’accuse…» sur six colonnes à la une.
Avec 300 000 exemplaires diffusés, i’Affaire est relancée dans l’opinion et chez les intellectuels. Mais le jour même, à une écrasante majorité (312 contre 122), les députés votent des poursuites contre Zola. Le 23 février, l’accusateur accusé est condamné à un an de prison et 3 000 francs d’amende pour diffamation. Au mois de juillet, sur le conseil de Clemenceau, il choisit de s’exiler en Angleterre. Il y restera près d’un an. Mais I’Affaire poursuit son cours.