La morale : Commettre l'injustice est pire que la subir
Tel est le principe au nom duquel Socrate refusa de s’évader de la prison athénienne où un procès inique l’avait jeté. Accusé à tort d’impiété et de corruption de la jeunesse, il ne se déroba pas à la peine capitale, fidèle aux prescriptions de la morale qu’il n’avait cessé d’enseigner. Héroïque abnégation que l’on peut à la fois admirer et railler, tant elle semble « coûteuse ». Ne semble-t-il pas plus avantageux de commettre l’injustice plutôt que de la subir, de se placer du côté des gagnants plutôt que des perdants dans un monde où, malheureusement, le mal profite souvent davantage que le bien ?
Apprenons à estimer ce qui fonde notre véritable valeur, répond le philosophe, et nous n’hésiterons plus à échanger un mal superficiel contre un bien certain ! Commettre l’injustice, c’est avilir notre âme en la souillant de manière irrémédiable. L’injuste se trompe s’il espère obtenir un gain du mal perpétré, car il méconnaît le préjudice qu’il s’inflige en faisant à la fois le malheur des autres et le sien. En revanche, l’injustice subie n’affecte notre bonheur qu’en apparence, car elle laisse notre âme intacte en portant seulement atteinte à des objets extérieurs : nos biens, notre réputation ou encore notre corps.
C’est donc en toute sérénité, sans colère ni remords, que Socrate affronte la mort. Et si un tribunal des âmes nous attend dans l’au delà, le sage se sait doublement gagnant.
La citation précédente renvoie à une autre formule célèbre de Socrate : I « Nul n’est méchant volontairement. » Car si le mal existe, il est la I conséquence de notre ignorance quant à sa véritable nature, et non le 1 fait d’une âme qui choisirait délibérément de se nuire à elle-même.