La philosophie : C'est l'étonnement qui poussa , comme aujourd'hui , les premiers penseurs aux spéculations philosophiques
Sans curiosité, pas de connaissance. Les premiers philosophes grecs étaient ce que nous appellerions aujourd’hui des scientifiques. Soucieux de comprendre les phénomènes les plus concrets, ils s’efforcaient de substituer aux mythes de leur temps des explications rationnelles. Aristote, au IVe siècle avant notre ère, considère que la recherche philosophique est suscitée moins par un intérêt matériel que par un désir profond de comprendre le monde. Mais ce désir lui-même, d’où provient-il ?
Une telle quête ne peut avoir pour origine et pour condition qu’une stupeur devant le monde tel qu’il est. Pourquoi le ciel est-il bleu ? Pourquoi n’y a-t-il que deux sexes ? Pourquoi les autres ne m’entendent-ils pas quand je pense ?… L’attention du philosophe est d’abord retenue par les choses les plus simples, toujours surprenantes pour autant qu’on accepte de ne pas seulement y chercher une utilité. Et la fécondité de la philosophie repose sur la persistance de cet étonnement, car c’est seulement en conservant cette sorte de non-adhérence au réel que le penseur demeure capable d’interroger authentiquement le monde. Contre la force de l’habitude, qui dissipe tout sentiment d’étrangeté et nous conduit à tenir le cours des choses pour nécessaire ou normal, contre cette accoutumance qui ensevelit toute chose sous l’asphalte de l’évidence, le philosophe affirme à sa manière la nécessité de maintenir un étonnement enfantin.
Le message d’Aristote reste moderne : si la première des soumissions intellectuelles est notre adhésion au « donné », le premier moteur de la recherche philosophique reste la surprise devant ce qui est.