La philosophie : Si tu veux devenir philosophe , prépare – toi à être raillé par la foule
Cette recommandation est celle d’un homme averti : esclave affranchi, Épictète fut l’objet de moqueries. Comment pouvait-il se piquer d’être philosophe, ricanait-on, lui qui avait été asservi aux ordres d’un maître ? Mais si sa situation semble prêter à rire, n’est-ce pas également le cas de tous ceux qui souhaitent embrasser ce mode de vie ?
Le philosophe doit être prévenu qu’il passera pour ridicule, comme le veut la légende de Thalès, tombé dans un puits tandis qu’il observait le ciel. Reconnaissons que la contemplation peut détourner le penseur des exigences concrètes de l’existence, ses spéculations métaphysiques le rendant inapte à l’action. Ses ratiocinations apparaissent oiseuses à de nombreux auditeurs puisque bien souvent elles se concluent par un aveu d’ignorance. Et il arrive aussi qu’il se caricature par son arrogance, lorsqu’il emprunte la figure de l’iconoclaste ou de l’ironique qui tourne en dérision les illusions de son temps. Toutefois, les sarcasmes sont souvent le refuge de ceux dont les préjugés sont ébranlés. Épictète s’inspire ainsi du flegme de Socrate, qui ne s’est jamais formalisé d’être baptisé du doux nom de taon, en écho au bourdonnement agaçant produit par ses questions !
Les railleries sont en réalité secondaires et masquent un problème plus profond : la rencontre entre le philosophe et le réel se fait sous le signe du décalage, non pas parce que le premier serait inapte au second, mais plutôt parce que la distance critique est la condition de la liberté de penser.