La religion : Deus sive natura
« Dieu ou la nature » : en quoi cette formule justifie-t-elle les virulentes attaques dont son auteur fut l’objet lors de la publication de YÉthique (1671) ?
Spinoza n’invite pas au culte d’une quelconque divinité naturelle. Par « nature », il faut entendre la totalité organisée du monde et de ses lois. Dieu se confond avec l’univers infini, que Spinoza nomme « substance ». Assimiler Dieu au monde met donc en valeur sa toute-puissance : puisque rien n’échappe aux lois naturelles, tout ce qui existe découle de la substance divine. Mais cette définition interdit qu’on se l’imagine sous une figure particulière, douée de volonté et de projets. Par exemple, Dieu ne peut plus être une entité providentielle qui aurait créé le monde à l’intention des hommes et qui interviendrait dans leur existence. En définissant la divinité comme totalité englobante et en l’identifiant à la nature, Spinoza empêche toute projection anthropomorphique.
Et c’est tout le problème : cette « substance » impersonnelle et abstraite que décrit la philosophie spinoziste est un dieu qui n’entend pas les prières ou les suppliques qu’on lui adresse, qui ne sauve ni ne condamne personne, au point qu’on peut se demander ce qui lui reste comme attribut divin ! En décrivant ce dieu qui peut tout aussi bien être nommé nature et faire l’objet d’une compréhension rationnelle, Spinoza apparut inévitablement aux yeux de certains religieux comme un dangereux athée.