La technique et l'action : Il n'est pas contraire à la raison de préférer la destruction du monde à une égratignure de mon doigt
Provocation adolescente ? Cynisme douteux ? Cela ne s’accorde pourtant pas avec la démarche scientifique de David Hume, philosophe d’une grande rigueur intellectuelle.
Comment contester que nos actes et nos jugements de valeur sont fondés sur des passions plus que sur des raisonnements ? C’est un fait : nous aimons, détestons, avons des préférences. Et notre raison n’exerce guère d’emprise sur celles-ci. Nos désirs et nos aversions expriment ce que nous sommes ; ils ne se démontrent ni ne se réfutent. Tenter de prouver qu’une préférence est vraie ou fausse relèverait d’une confusion profonde entre nos idées rationnelles et nos affects. Dans le monde des faits, pas plus que dans l’univers des idées, nous ne pouvons juger en termes de bien ou de mal. En toute rigueur, il n’est donc pas contraire à la raison de préférer la destruction du monde à une blessure dérisoire !
Loin de justifier l’indifférence au monde, Hume rappelle ici que ce sont les passions et non l’intellect froid qui nous font agir. Mais à quoi sert la raison, dans ce cas ? À évaluer le meilleur moyen d’atteindre nos objectifs C’est déjà beaucoup. Il est bien possible qu’un désir soit déraisonnable, reconnaît Hume, si nous désirons quelque chose qui n’existe pas. Seulement, dans ce cas, ce n’est pas l’expression de notre désir qui sera incorrecte, mais plutôt le jugement qui l’accompagne… en estimant que cette chose existe.