Le bonheur : Carpe diem
«Cueille le jour», recommande le poète latin Horace à la jeune Leuconoé, « en te fiant le moins possible au lendemain ». Ce vers, qui fait du jour une sorte de fruit à croquer, est devenu si célèbre qu’il s’est transformé en une locution courante. N’est-il pas tentant d’y voir un résumé économique de l’épicurisme, une invitation à profiter aveuglément du moment présent sans se soucier de quoi que ce soit d’autre ?
Ce serait pourtant là confondre hédonisme grossier et épicurisme authentique. En admirateur d’Épicure, Horace préconise une recherche raisonnée du plaisir. La vie est brève, soit, et la mort y mettra un terme. Que cela ne nous jette pas pour autant dans le tourbillon des plaisirs étourdissants ! Nulle part le grand maître grec n’invitait à multiplier sans frein des jouissances éphémères. Il s’agissait au contraire d’éviter les désirs susceptibles de nous rendre instables ou malheureux, et tout particulièrement le désir d’immortalité, aussi lancinant qu’impossible à satisfaire. Voilà pourquoi il faut construire, au présent, une hygiène de vie pérenne, qui permette d’accéder à l’équilibre du corps et à la sérénité de l’âme.
Cette sagesse est bien loin de la vie de débauche que l’on prête parfois aux épicuriens : le véritable bonheur implique de savourer l’instant présent, certes, mais dans le cadre d’une discipline de vie exigeante, dont les maîtres mots sont la prudence et la modération. Horace recommande d’ailleurs de rechercher les plaisirs simples de la « douceur campagnarde », qu’il affectionnait tout particulièrement.