Le bonheur : Les hommes ayant placé toutes les douleurs , toutes les souffrances dans l'enfer , pour remplir le ciel , ils n'ont plus trouvé que l'ennui
Le croyant redoute l’enfer, lieu tourmenté des âmes damnées, et il œuvre pour gagner sa place au paradis, promesse d’une félicité éternelle. Mais n’y a-t-il pas un malentendu sur la nature du bonheur escompté ? Il se pourrait que la béatitude céleste s’avère finalement très monotone.En effet, selon Arthur Schopenhauer, dont on apprend sans surprise que sa philosophie est empreinte de pessimisme, le bonheur, pas plus que le paradis, n’a de réalité. La seule expérience concrète de l’existence est la douleur et c’est elle qui, par contraste, donne sens à ce que nous nommons plaisir. La peine physique du corps qui vieillit, par exemple, ou les affres de la maladie forgent en nous le rêve d’une santé éclatante. De même, la frustration de nos désirs ou l’inquiétude qu’ils ne soient pas assouvis nous font espérer des états extatiques qui, pourtant, ne seraient jamais plus que la délivrance d’un manque. Ainsi, les joies et le bien-être imaginaires que nous espérons ne sont que les figures inversées de nos peines. Mais si notre existence est douloureuse, elle est cependant préférable à l’absence de désir, symptôme d’une mélancolique apathie. Sans le désir et son cortège de souffrances, l’homme n’éprouverait en effet que la vacuité d’une existence dénuée de but. Est- ce bien là, se demande non sans ironie le philosophe allemand, ce que nous attendons du ciel ? En somme, si notre vie est infernale, elle vaut pourtant mieux qu’un illusoire paradis ! Les adeptes des pratiques sadomasochistes ne trouveront vraisemblablement rien à redire au constat de Schopenhauer.