Le désir : Ce que l'on n'a pas , ce que l'on n'est pas , ce dont on manque , voilà les objets du désir et de l'amour
Chacun des convives du Banquet relaté par Platon est invité à disserter sur Éros, le dieu de l’amour. Lorsque vient le tour de Socrate, il déclare que l’amour est désir de ce que nous n’avons pas puisque, logiquement, nous ne souhaitons plus obtenir ce que nous possédons déjà. Pour autant, le désir n’est-il que l’expression d’un manque ?
Afin de répondre, le philosophe recourt à un mythe. Éros serait le fils de Pénia, déesse de l’indigence, et de Poros, dieu de la stratégie inventive. L’amour emprunte à ses parents cette double nature. Comme sa mère, il est accompagné d’une souffrance, née du sentiment de privation qui persiste tant que son objet demeure hors de portée. Mais de son père, il tient l’habileté et l’avidité de celui qui souhaite à tout prix parvenir à ses fins, si bien que rien ne semble pouvoir entraver son impérieuse pulsion. L’emprise du désir est, il est vrai, parfois telle qu’il métamorphose notre caractère en nous donnant la force de dépasser nos inhibitions.
Si la formule socratique précise que le désir manifeste aussi un manque d’« être », c’est que les biens et les personnes que nous convoitons ne sont au fond que des moyens en vue d’une fin : nous accomplir en tant qu’individu puissant ou digne d’amour. Ainsi, le fier Alcibiade, doté par la fortune d’une rare beauté, se reconnaît-il attaché de façon incompréhensible à son amant Socrate. Sans doute parce que la sagesse de ce dernier est la qualité par excellence qui fait défaut à l’orgueilleux jeune homme…