Le désir : Changer mes désirs plutôt que l'ordre du monde
L’enfant au centre de l’attention parentale grandit avec l’illusion que ses moindres caprices peuvent être satisfaits. L’adolescent conteste furieusement toute entrave à la réalisation de ses rêves. Mais tous deux ne manqueront pas d’être exposés à l’amertume de la déception.
Averti de ce danger et inspiré par le stoïcien Épictète, auquel il emprunte cette formule, Descartes préconise la retenue : plutôt que de s’atteler à la tâche impossible de réformer la réalité, n’est-il pas plus sage de modérer nos désirs ? Car n’est-il pas déraisonnable d’espérer un monde adapté à nos vœux ? Mieux vaut s’épargner les désillusions de désirs insensés et s’accommoder d’un monde qui, s’il n’est pas à la hauteur de nos aspirations, n’en procure pas moins des joies simples et accessibles.
Une telle maxime peut révulser les révolutionnaires qui veulent changer l’ordre des choses, ou agacer les publicitaires qui nous vendent le fantasme d’une société où tous les désirs seraient assouvis… à crédit.
Mais c’est sans doute parce qu’ils confondent hâtivement modestie et médiocrité, en jugeant que la prudence est le paravent de l’impuissant.
Il y a parfois plus d’ambition dans la tempérance que dans la soumission à la tyrannie de nos désirs. Et plus de puissance dans la lucidité que dans la mélancolique rêverie, refuge de ceux qui ne peuvent se résoudre à accepter que le monde n’est pas au service de leurs appétits.