Le langage : La parole est l'existence extérieure du sens
Le langage est-il un simple vêtement de la pensée ? « S’ex-primer », est-ce habiller de mots ses idées ? Voilà une conception naïve que récuse Maurice Merleau-Ponty. À ses yeux, elle repose sur un préjugé : la pensée préexisterait à la parole. Or, introspectons-nous un instant : certes, nous réfléchissons en général avant de parler, mais possédons- nous vraiment une pensée articulée, organisée en raisonnements, avant les mots et sans les mots ?
Nous constatons plutôt que notre pensée se forme en se formulant et qu’elle parvient à la conscience d’elle-même à travers les mots. C’est donc que nous pensons à l’intérieur même du langage. Les mots n’illustrent pas la pensée, ils lui donnent corps, c’est-à-dire existence et consistance. Inversement, une parole entendue, en délivrant son message propre, donne à penser. Car nous ne séparons pas, dans l’écoute, le signe de la signification. En dialoguant, nous faisons même plutôt l’expérience d’un sens qui est « pris » dans la parole ou, si l’on préfère, d’une parole qui fait immédiatement sens.
En somme, pour Merleau-Ponty, la parole est bien plus qu’un instrument de communication. Elle n’est pas l’ambassade de la pensée dans le monde sonore, mais plutôt sa présence incarnée, la forme même de son existence extérieure. Le philosophe retrouve ici une vieille intuition de la langue grecque, où le mot qui désignait la raison – logos – signifiait aussi « langage »… comme si la pensée ne pouvait être autre chose qu’un discours articulé.