Malheur ! Je crois devenir dieu !
Explication
Dans la mythologie grecque, on nommait « apothéose » la montée vers les dieux des héros défunts. Depuis Jules César, le Sénat avait pris l’habitude de diviniser le maître de Rome aussitôt après sa mort. C’était la suite divine du triomphe qui lui était accordé de son vivant par les hommes. En 79, l’empereur Vespasien sentit peu à peu ses forces le quitter, à la dixième année de son principat.
Suétone raconte les derniers jours de l’empereur dans la courte biographie qu’il lui a consacrée. En plein été, Vespasien est pris de fièvre et est très affaibli par une dysenterie ; celle-ci est causée par un abus d’eau fraîche, croit devoir préciser l’historien. Âgé d’environ 70 ans, l’empereur voit autour de lui les mines qui s’allongent. Il glisse alors, avec l’humour qui le caractérise, « Malheur ! Je crois devenir dieu ! » Il continue néanmoins à vaquer à ses hautes occupations et accorde des audiences allongé sur son lit. Dans un suprême effort pour se lever, il murmure «un empereur doit mourir debout», et rend son dernier souffle soutenu par ses proches.
Petit-fils d’un centurion légionnaire et fils d’un publicain (un financier collecteur d’impôts), Vespasien savait que sa lignée n’avait rien de divin. Proclamé empereur à l’âge de 60 ans, au terme d’une belle carrière politique et militaire, il a su garder du recul par rapport à sa haute fonction. Ses jeunes prédécesseurs Caligula et Néron se prenaient pour des dieux, ce qui ne les empêcha pas de finir misérablement. En délimitant clairement par la loi les domaines de compétence de l’empereur et du Sénat, Vespasien a su, semble-t-il, retenir la leçon.