Une histoire abracadabrantesque
Auteur : Jacques Chirac , en 2000
Explication
« Aujourd’hui, on rapporte une histoire abracadabrantesque. » Le 21 septembre 2000 à Angoulême, ce joli mot-valise du Président (« abracadabrant » + « dantesque ») stupéfie Élise Lucet, la journaliste de France 3 qui l’interviewe. Pourtant, ce néologisme, soufflé à Jacques Chirac par son secrétaire général Dominique de Villepin, n’en est plus un depuis le xixe siècle.
La duchesse d’Abrantès avait publié entre 1831 et 1835 ses Mémoires sur la Révolution, l’Empire et la Restauration, une sorte de roman-fleuve parsemé d’anecdotes invraisemblables. C’est pourquoi Théophile Gautier aimait railler la « duchesse d’Abracadabrantesque ».
Les admirateurs d’Arthur Rimbaud (dont fait partie Dominique de Villepin, poète distingué) connaissent aussi ce mot. « Ô flots abracadabrantesques, Prenez mon cœur, qu’il soit lavé. Ithyphalliques et piou- piesques, Leurs quolibets l’ont dépravé!», écrivait en 1871 le lycéen rebelle de Charleville-Mézières, dans le poème « Le cœur volé » envoyé à son professeur.
En 2000, « abracadabrantesque » a agi comme un véritable mot de passe-passe (ce qu’il est tout de même pour moitié). Dans les jours qui suivi¬rent l’interview, la presse déploya beaucoup d’énergie pour retrouver son origine et essayer de le définir correctement. Et l’on oublia le motif du scandale. Il s’agissait d’une mystérieuse cassette-vidéo, enregistrée quatre ans plus tôt par un promoteur, ancien membre du comité central du RPR décédé depuis un an, et qui accusait Jacques Chirac de malver¬sations financières commises plus de quatorze ans auparavant alors qu’il était maire de Paris…