La philosophie : Philosopher , c'est apprendre à mourir
Face à l’inéluctable échéance de notre trépas, nous en venons à penser qu’il est le but de notre existence, comme si nous n’étions nés que pour
mourir. Mais si indubitablement notre existence s’achève au tombeau, la mort n’en détient pas le sens car la vie est à elle-même sa propre fin. Ce qui importe est avant tout de vivre. Faut-il dès lors, au nom de cet impératif, nier que la mort nous guette et occulter la conscience de notre finitude ?
Au contraire, pour Montaigne, la philosophie recommande de se fami liariser avec la mort. Ne serait-ce que pour apaiser la hantise de notre disparition, bien souvent plus angoissante que l’événement même du décès. « Puisque nous ne savons où la mort nous attend, attendons-la partout », elle ne nous surprendra pas et nous partirons sans regrets. Seule une préparation conséquente à la mort peut nous fortifier et nous prémunir contre d’inutiles peurs et douleurs. Car que peut craindre celui qui va mourir ?
Apprendre à mourir n’est donc pas l’indice d’une existence accablée qui se résigne au désespoir, mais la conséquence d’une sagesse qui s’impose de bien vivre. Jouissons de chaque jour comme si c’était le dernier, recommande le philosophe, et disposons ainsi notre âme à renoncer aux vaines prétentions de la gloire pour se recentrer sur son bien propre. À l’heure où les débats sur l’acharnement thérapeutique divisent nos sociétés, qui refoulent l’angoisse de la mort dans l’espoir de progrès médicaux miraculeux, peut-être faudrait-il se mettre à l’écoute de la difficile leçon de Montaigne.