Le langage : Nous ne voyons pas les choses mêmes ; nous nous bornons , le plus souvent , à lire des étiquettes collés sur elles
Le langage est un système de signes grâce auxquels nous nommons les choses. Mais si les mots, selon la formule de Bergson, ne sont que des étiquettes, peuvent-ils exprimer véritablement la réalité ?
Une langue destinée à refléter le monde devrait accorder un nom propre à chaque chose. Or si c’était le cas, le dictionnaire serait infini et la communication impossible. Aux yeux du philosophe, la raison d’être du langage, plus modeste, est essentiellement instrumentale : permettre la coopération pratique entre les hommes. Par souci d’efficacité, le langage regroupe sous un nom commun une multiplicité de réalités que nous jugeons identiques dès lors qu’elles ont pour nous la même utilité. Ainsi, faute de pouvoir exprimer la diversité des choses, nous les classons selon nos besoins. Mais en contrepartie, le langage se réduit à une collection d’étiquettes qui ne retiennent des choses que leur aspect commun, au prix de leur singularité. À propos d’une femme ou d’un aliment, nous employons indifféremment le verbe « aimer » : s’agit-il pourtant du même sentiment ? Comment comprendre la teneur de notre amour si, pour le définir, nous recourons à un terme aussi impersonnel ?
Parce que les choses ont d’abord été classées en fonction du parti que nous pouvons en tirer, l’organisation du langage finit par faire écran entre la réalité et nous-mêmes. C’est ainsi qu’en simplifiant le monde, nos étiquettes verbales diminuent notre capacité à en percevoir la richesse.